Joker : bouffon, clown ; faiseur de bonnes blagues. Selon contexte peut jouir d’un certain prestige, ou être la serpillère des moins faibles des faibles.
Joker : carte interchangeable, qui ne fait pas partie du vrai jeu, qui ne vaut que pour dépanner le joueur, mais qui n’a pas de valeur intrinsèque.
Au début, enthousiasme sur la beauté formelle du film, le génie du chef opérateur, ses images de brume et de couloir, la lumière et le travail modelé des couleurs; une esthétique de marvel comics , qui aurait digéré les photos de Walker Evans; la silhouette est graphiquement sublimée en homme blanc de Lyonel Feininger.
Et bien sûr on est collé au siège par le travail d’ acteur: le De Niro iconique dans ce même monde de misère de Taxi Driver était déjà une sorte de Joker, il revient métamorphosé en TV showman obèse, ronronnant et satisfait, stéréotype lisse des années 60 ou 70. Quant à Phoenix, alias Arthur La Tache (Fleck), comment ne pas être subjuguée par sa beauté fiévreuse malgré les cheveux gras, les habits sales et les épaules veules, par cette danse de comédie musicale macabre sur un escalier des hauts pourris de Gotham pas encore Apple ? Il danse, il passe d’une émotion à l’autre, tremblant de la moitié inférieure du corps comme la Shaking Woman de Siri Hustvedt, corps et tête coupés en deux, parole maîtrisée et calme, et corps inférieur secoué.
Le film donne le flou, l’inconfort du personnage lui-même, quelles parties de la narration sont du dédoublement psychique du personnage, et lesquelles le contexte narratif donné comme vrai? Nous sommes clivés, soudain, aussi, et portés comme à contrecorps dans la danse par la remarquable et efficace musique de Hildur Guðnadóttir…
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