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III

 

Mais là c’est vraiment mai, oui
on y croit on opine à peine – si tôt si longue joie –
on n’ose approuver de peur
d’une dérobade sous les mots toujours trop maigres
ou sous le sort jeté par quelle touriste
tordue qui cherche le sang d’encre des sagas quand le soleil
repeint tout en laque ?

C’est contre leurs printemps catarrheux
ignare étrangère
que sont plantés partout force fraisiers forsythias camélias
tulipes et autres bulblablas

avec la même opiniâtreté la même confiance
qui roule en vélo quand il neige vente à moins de zéro Celsius.
C’est pour qu’elles proclament, fassent naître le printemps envers et contre…
qu’elles fournissent un ersatz de lumière et de couleur car
débandade pleurnicharde toujours possible
du ciel de l’air gelés.

Là du coup
elles sont presque racoleuses poussent des cris de couleur partout
ça carte-postale sans complexe
ça ébouriffe les clichés sur le sérieux lagom – rien de trop- de l’autochtone
et l’autochtone lui-même

le climat est fou
on le sait
là-bas et ici
qu’on n’y est pas pour rien impuissants indécis comme pauvre Hamlet
mais de temps en temps sa folie ouvre
une amazonie aux peuples des contes d’hiver et des cartes routières en noir et blanc glacé
et on remercie au mieux
ici et maintenant et toujours et en technicolor
de ce début de juin suédois radieux comme un clairon d’enfant.
Pitié de nous pauvres,
oui-Greta-les-temps-changent, mais oublie-nous
cinq mini-minutes, pitié !

***

Puis il fallut revenir
ici bas au Sud du Nord
déluges encore
déluges avant pendant après
comme l’attestèrent
mécontents ceux qui étaient restés
et se plaindraient bientôt d’une implacable canicule
souffrances corps et nerfs sommes pauvres bêtes climatogyres
sans pelage sans écailles sans plumes
il pleut sur le sud des collines et des garrigues envers et contre aussi le folklore local
il pleut petit
un détail pour les rivières et les sources scorbutiques

alors
nos pluies d’ici,
si peu pluies qu’elles soient parfois
ou si démentes,
faisons leur livre d’heures en nous sans voix blanche ni métaphores,
berçons-les comme un bouquet vénéneux
dignes d’être dites, elles sont aussi
enluminures sacrées sur la page des jours,
cartes vaticanes à explorer sur place dehors dedans
car lavent en nous à notre insu
et font pousser
sous la peau
des arbres hauts des frémissements de feuilles ;

et dans les trous de l’asphalte sec des surprises de vert .

 

==>Dépliez la carte pour la fin du voyage : https://fragile-revue.fr/la-lettre/meteos-de-lame-carte-a-quatre-plis-4-4/

Laure-Anne Fillias-Bensussan

Laure-Anne Fillias-Bensussan

Déracinée-enracinée à Marseille, Europe, j'ai un parcours très-très-académique puis très-très-expérimental en linguistique, stylistique, langues anciennes, théâtre, chant, analyse des arts plastiques, et écriture. Sévèrement atteinte de dilettantisme depuis longtemps, j'espère, loin de l'exposition de l'unanimisme des groupes de réseaux, continuer à explorer longtemps la vie réelle et la langue, les langues. Reste que je suis constante dans le désir de partager, écouter, transmettre un peu de l'humain incarné au monde par l'écriture ; la mienne, je ne la veux ni arme militante, ni exercice de consolation, mais mise en évidence de fratersororité. J'ai publié deux recueils de poèmes, écrit une adaptation théâtrale, participé à la rédaction de nombreux Cahiers de l'Artothèque Antonin Artaud pour des monographies d'artistes contemporains ; je collabore aussi avec la revue d'écritures Filigranes. - En cours : deux projets de recueils de courtes fictions, et d'un recueil de poèmes.

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    2 Comments

    • Ariane dit :

      Je me retrouve beaucoup dans la partie « le climat est fou » jusqu’à « mais oublie-nous cinq mini minutes par pitié » : je ressens souvent une tension entre deux choses. La vertigineuse prise de conscience que non seulement les temps changent, mais qu’ils ont changé irréversiblement déjà. Plusieurs points d’alerte sont dépassés : sur la biodiversité, le réchauffement, la pollution de l’eau, de l’air … Et pourtant quelque chose d’animal en moi, ou d’enfantin, plaide pour « encore un instant, Monsieur le bourreau », et je me complais dans l’autruchisme. Sans doute parce que je me sens impuissante. Certes j’essaie de faire ma petite part, mais …
      A cet égard le climat géopolitique n’arrange rien. Matériellement les guerres, y compris économiques ne peuvent qu’accroître le dérèglement. Quelle empreinte carbone d’un bombardement, de la fabrication d’armes sophistiquées etc. ? Et puis psychologiquement tout cela conduit d’un côté à la démission, de l’autre au mépris de la vie, y compris dans la nature …
      Mais tout cela ne nie pas l’effort de la beauté, de la création, de l’intelligence que je ressens comme éléments de survie psychique. Donc merci pour cette approche poétique. La dernière phrase me touche vraiment beaucoup, je ressens aussi l’émotion de ces petites choses si fragiles si uniques, si persévérantes à être là où le hasard les a semées. Juste parce ce que c’est leur job.

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