Des courants profonds détachent un visage et le poussent à la surface
comme un drap léger remonte d’une épave
Des rayons d’une lumière réfractée réveillent mon épave et sa réponse
c’est la libération de ces toiles, les visages peints et préservés
de ces hommes qui parlent une langue
que nous n’avons pas encore transformée
A la délivrance, la surface brouillera leurs traits
Alors je les laisse flotter à mes côtés
entre un mat brisé et un ciel de plancton
et leur toucher d’algue sans racine
lentement envelopper mes jambes
[rayon]
je veux la lumière du jour
la lumière portée par le vent
il n’y a que les néons
il n’y a que les hurlements désordonnés
il n’y a que la rage lambrissée
et l’odeur de la nuit enfermée
est absent le rayon qui souligne la matière
la matière qui nous soutient
le rayon qui ne fait exister qu’une circonférence
de notre peau concentrée, vivante, parée
—
[Araxe]
Qu’y a-t-il à l’Est du fleuve ? Son lit doit être trop large, ses eaux doivent être trop puissantes. Jamais je ne me suis risquée à le traverser.
J’ai dans les bras un chimpanzé qui dort.
Je guette un bruit de vent. Un élément pur qui me signale de quelque manière que je m’éloigne des bâtiments de verre, qu’il n’y a que l’œil du ciel posé sur moi, l’œil d’un ciel qui dépasse les frondaisons. Qui dépasse l’ombre de tout ce que la terre a rejeté.
Un ciel qui tourne en lisière de l’enclos des nuages.
Je suis sous domination du soleil.
Nous courons, d’Est en Ouest, sous le soleil. Nous courons, pour nous maintenir sous ses rayons.
J’ai couru et je cours. Et toujours, à l’est de mes pas, coule cette eau que je ne connais pas.
Un nuage est suspendu au-dessus du fleuve, là où il n’y a ni soleil, ni bâtiment de verre. Qui me sauvera, si je traverse aujourd’hui ? Qui me verra, si je me noie ? Si le fleuve me jette dans la mer ?
Qu’y a-t-il à l’Est du fleuve ?
A quoi me sert la lumière d’ici, si je dois là-bas rejoindre la nuit ?
L’ombre s’arrête au-dessus de ma tête.
Elle se balance et à chaque pas recule. Du nuage qui se rompt s’échappe une mie noire de seigle et j’attends.
Un être léger dort dans mes bras. L’herbe est sèche malgré les gouttes qui s’amoncèlent. En silence, le vent se tait. Le fleuve, lui aussi, se tait.
L’animal s’éveille.
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Mu.E.s est une exploration répétée