Sans titre (de transport)
Bouches de métros. Bouches de vérités. Théâtres de mondes souterrains. Trous noirs de couleurs.
Bouches de trop. À nourrir. À mourir. À voler. Pique. Peau. Quête d’amours, de sacs à pied d’œuvre, de mobiles du crime. Viole de gambes en l’air du temps. Public publicitaire. De l’art et des gens. Livres toujours de poche. Poches toujours vides.
Un peu de brutalité dans un monde de poésie.
*
Vingt-neuf
La nuit est lente comme un train de banlieue. Dernier hiver de ma vingtaine. Mes hanches, deux points, ouvrent les guillemets : je suis maigre comme à dix-sept ans. La neige porte les pas de ma mère. Le temps crisse dans un violon, chagrin, chagrin, d’une voiture qui ne démarre pas.
J’ai battu les blancs des yeux. Ma couleur dans les cheveux fondrait-elle bientôt ? La nuit en pente comme un train de banlieue perce la laine des vieux manteaux bleus.
*
Incident voyageur
Ça sent le brûlé sous les roues. Le train a freiné,
mais ne s’arrête pas. La force d’inertie tranche
le jambon, comme une coupe de champagne à jeun. Il ne me reste plus qu’à prendre le bus.
*
Sources:
Sans titre (de transport) : Place de la Sorbonne n° 7, revue internationale de poésie, Laurent Fourcaut (éd.), Presses de l’Université Paris-Sorbonne (PUPS), 2017, p. 292
Vingt-neuf : L’Orient littéraire n°169, supplément mensuel au quotidien francophone L’Orient-Le Jour, Alexandre Najjar (éd.), Beyrouth, juillet 2020, p. IV
Incident voyageur : Génération Poésie debout, anthologie des nouvelles écritures poétiques, Francis Combes (éd.), Montreuil, Le Temps des Cerises, 2019, p. 136
Notice biographique
Katia-Sofia Hakim est poète, musicologue et traductrice littéraire de l’espagnol. Elle est membre du comité de rédaction de Place de la Sorbonne, revue internationale de poésie contemporaine éditée aux Sorbonne Université Presses (SUP). Elle fait également partie du comité de rédaction de la plateforme culturelle Ablucionistas au Mexique. Professeur agrégée de musique et doctorante en musicologie, elle enseigne à la Faculté des Lettres de Sorbonne Université, ainsi qu’à l’Université de Grenade en Espagne. Elle est diplômée du Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris (CNSMDP).
Photographie : Luis Alejandro Cuéllar Varona.
Transports. D’un corps qui dit je aux corps que les transports dits en commun exhibent, dévoilent, et c’est d’autres transports, c’est de la perméabilité de la psyché aux autruis, de sa motilité sous leurs mobilité/immobilité, de ce que leur souffrance fait à nos vies, que vos mots suggèrent..