« On considère comme un bonheur d’avoir un nom et un rang car on ignore que le plus vrai des bonheurs est de n’avoir ni nom ni rang.

On considère comme un tourment d’avoir froid et faim car on ignore que les tourments de ceux qui n’ont ni froid ni faim sont encore pires. »

Hong Zicheng (Propos sur la racine des légumes I,66)

Il est mignon, Hong, mais y a des fois il charge un peu la jonque, non ?

Quelqu’un dans mon genre sans nom et sans rang, et plus encore quelqu’un qui a froid et faim, serait bien fondé à lui répondre : changeons, Hong. Tu prends ma vie je prends la tienne. Allez deux trois mois pas plus et après on évalue : ton tourment et ton bonheur sur une échelle de 0 à 10 ?

Cette phrase peut passer au mieux pour de l’indifférence, au pire pour du cynisme. Y en a qu’ont viré rousseauistes pour moins que ça, et qu’Hong se dise qu’en tant que mandarin il n’est pas à l’abri des pépins.

Le rapport entre un mandarin et Rousseau ? « Dans Le Père Goriot, Balzac fait allusion à un passage des œuvres de J.J. Rousseau dans lequel cet auteur demande au lecteur ce qu’il ferait si – sans quitter Paris naturellement et sans être découvert – il pouvait, par un simple acte de volonté, tuer à Pékin un vieux mandarin dont le décès ne manquerait pas de lui apporter un grand avantage. Il laisse deviner qu’il ne tient pas la vie de ce dignitaire pour très assurée. ‘Tuer son mandarin’ est devenu une expression proverbiale pour cette disposition secrète, propre aussi aux hommes d’aujourd’hui. »

(Freud Considérations actuelles sur la guerre et la mort.)

(j’adore : propre aussi aux hommes d’aujourd’hui. Genre curieusement ça n’a pas changé. Humour freudien …)

Les plus ou moins sexagénaires parmi nous se souviennent du fameux il faut voir d’où on parle, phrase fétiche des années 70. Dommage que la mode en soit passée, je persiste à trouver cela pertinent.

Il est du dernier tartufe (dirait-on en langue de Molière) de s’autoriser à donner des leçons d’humilité et frugalité à son prochain, lorsqu’on a nom et rang. Et surtout qu’on est en gros à l’abri des pépins les plus durs.

Par exemple si l’on a une quelconque audience quelque part, assortie d’un revenu largement supérieur au revenu médian (qui est actuellement en France de 1770 euros). (Pour la conversion en yuans voyez avec Hong).

Mais je n’ai garde pour autant de lui fermer la bouche. Dès l’instant qu’il veut bien nous éviter les leçons de stoïcisme à la mode tartufe, libre à lui de nous causer tant qu’il veut de morale ou de politique, de diplomatie, d’art, de littérature, depuis sa place de mandarin lettré.

Tout cela intéresse aussi les pas riches pas célèbres : ils ne sont pas toujours stupides et incultes.

Image congerdesign (pixabay)

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