BERGERONNETTES & BOUSTROPHÉDONS
La poésie n’est pas la vérité : elle est résurrection des présences, histoire transfigurée en vérité du temps sans date.
Yvon Belaval (1908-1988)
Dans ma rue
entre le sept et le onze
une bergeronnette
vient au printemps
me visiter
Elle suit la charrue
de l’autre Dorio – mon père –
qui tranche la terre de boulbène
comme du bon pain
Elle est jaune mon amour
et tu le sais
il n’y a que moi désormais
qui voit la petite fée suivre le sillon
puis se retourner
Exactement
Comme ces vers
Que l’on appelle
Boustrophédons
Exactement
Comme ce chant perdu
D’un bouvier
Qui plante dans mon cœur
Son aiguillon1
.
1 Quan le bouïé ben de laura planto sun aguillado a é i é o ! (occitan)
NB : Roland Barthes m’autorise à appeler les éléments rapportés de ce poème des « biographèmes »
.
Merci, JJ Dorio, j’ai appris le mot « boulbène », et me suis réjouie de la poésie marchée de ce bel oiseau …je n’ai croisé je crois quant à moi que sa cousine la bergeronnette grise ou hoche queue, qui en fait de prosodie fait plutôt penser à la scansion du trimètre iambique, rythmée, ponctuée… je ne serais pas étonnée que vous ayez écrit vous même des boustrophédons, pour le plaisir de labourer la page, ou d’y faire des rangs de tricot, ou de faire labourer la patience du lecteur, car leur déchiffrage est plus ardu que nos lignes qui s’envolent au dessus du champ et s’y reposent (plutôt des alouettes?)
Magnifique rebond, comme « maclotte qui sautille » évoquant sous l’apparence de l’autre bergeronnette « la chanson grise » maniant l’impair verlainien, à côté de « la jaunette » « des amours jaunes » de notre pauvre Tristan (Corbière). Quant à l’alouette, c’est la phœnix des chants de troubadour. « Quan vei la laudeta Mover de Joi sas alas contra’l rai Que s’oblid’ es laissa cazer Per la doussor qu’al cor li vai » (Bernard de Ventadour) Quand je vois l’alouette mouvoir de Joie ses ailes Contre le rayon Puis s’oublie et laisse choir Par la douceur qu’au cœur lui vient…
Et merci de ces nouvelles invitations à lire la poésie colorée des oiseaux !
Malgré une certaine appétence pour le mot « boustrophedon », je ne vais rien labourer de ce côté là, mais c’est le délicieux « bergeronette » qui a réveillé le souvenir d’une chanson et d’ images animées…Je vous les livre, comme un indice :
Dans le couloir, chez Paul. Il rentre et referme la porte derrière lui
Dans la cuisine… Blandine vient de verser duvin rouge dans leurs verres et Paul s’assied à sa place en face d’elle. En chemin, il a ouvert la radio. Blandine sert la soupe, ils mangent- et une voix de femme chante :
AH QUEL EST DONC CE DOUX MURMURE QUI SE PROLONGE TOUT LE JOUR?
ENTENDEZ LE DANS LA RAMURE
Il EST LA CHANSON DE L’AMOUR…
LE PIGEON DIT A LA PIGEONNE
« NOUS NOUS ADORERONS TOUJOURS! »
La nuit descend. Paul se lève, allume le plafonnier et va fermer la fenêtre
CE QUE DIT LE PIGEON
LE PINSON LE REPETE
ET LA BERGERONNETTE EN FAIT UNE CHANSON…
ET LA VIE EST EN FETE
Paul repris sa place et ils se regardent en chien de faïence…
SUIVONS L’EXEMPLE QU’ILS NOUS DONNENT
ET PUISQU’ON EST TOUS LES DEUX,
PIGEON TOI MËME ET MOI PIGEONNE
ADORONS-NOUS, SOYONS HEUREUX!
Voilà j’ai fait ma petite recherche, car évidemment je n’avais jamais vu La Poison mais du coup je vais voir si je la trouve sur internet.
Bergeronnette, hoche-queue, alouette, pigeon, La Fontaine et ce vilain veuf joyeux de Michel Simon…promenade ailée…
Cela réveille les souvenirs d’une enfance terrienne, qu’importe les noms que je ne connaissais pas, et il en reste un encore, le plaisir est là.
Creusons, la terre-terre, la terre -mots, on en aura toujours un bénéfice, et je ne copie pas J. de la Fontaine, j’active juste ma charrue.
BRAVO Laure Anne pour ta ténacité. Ce n’était pas si facile, j’avais laissé un indice substantiel de la pièce mais l’extrait qui me revient en mémoire ne se trouve pas sur le net….
Plus encore que joyeux, le génial Michel Simon est délicieusement, terriblement amoral…Pas vraiment correct de nos jours…