(…)
C’est toujours en cela
que débute le chant
à vouloir ce qu’il y a
entre la ronce et l’ortie
entre un soleil couchant
et les lèvres d’un coquelicot
Toujours à vouloir
ce qui serait seulement ça
à questionner le plein et le vide
la présence et l’absence
en dehors de l’ombre courte des mots
à chercher
où commence l’abîme.
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(p.52)
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(…)
Sans doute devrais-je inventer un chant
comme pour l’herbe et les pierres
pour l’eau noire du puits et la rosée
simplement pour que s’élève un chant
pareil à celui d’un merle
ou d’un rouge-gorge
à celui froissé d’un coquelicot
un chant qui relierait
le sommeil et le silence des choses
annulerait la sentence lente
de naître ou de mourir.
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(p.73)
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La question du chant. Comment déranger le silence ? Ou pourquoi ? Voilà ce à quoi je m’affronte tous les jours. Le silence est le grand maître ou le grand juge. J’ai travaillé sur le silence dans un recueil qui s’appelle Fusain.
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Le poème c’est tenter le murmure ou le chant. Pas le chant grandiose, tonitruant et sûr de lui. Juste une tentative afin de savoir si cela valait le coup de déranger le silence. Les poèmes de Damages s’affrontent à cette question. Quels mots peut-on mettre au-dessus de la mort sans que ceux-ci perdent de leur substance ? N’y a-t-il pas vanité à cela ? Je dis aussi que le chant commence entre les choses humbles, entre la ronce et l’ortie, entre un brin d’herbe et un soleil etc. Le chant commence là où il n’y a pas de mots. Sans doute est-ce intrigant ? C’est comme un silence que l’on n’aurait pas encore traduit. Je crois que l’enfance peut vérifier ça. Qu’ajouter de plus ?