premier jour…
… le suivant
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– un soir d’octobre sa fille était revenue de l’école avec dans son cartable un drôle de petit livret. heureuse et bruyante comme ils aimaient, elle leur avait ouvert les pages, une à une, de ce qui semblait être une suite de peintures abstraites, toutes réalisées avec des matériaux différents. ces peintures avaient eu sur lui un effet étrange, comme magique, il avait été comme on dit happé par l’expérience qui se présentait là. refermant le livret il en avait alors déchiffré le titre, qui avait empoigné en lui quelque chose d’innommable, aux lisières du cœur et de l’espoir : « Mon livre des traces ». immédiatement il s’était demandé pourquoi ne pas ouvrir, à son tour, son livre des traces, avec tout ce que cela pouvait suggérer : garder trace des jours, des objets, des noms et des corps qui traversaient le jour, son jour, le jour qu’ensemble sa fille, sa compagne, lui et tout ce qui vivait avaient en partage. un soir d’octobre il avait imaginé, d’après l’expérience de l’enfant et de ses peintures, ouvrir par les mots un « tracier », comme un herbier du temps, un album non plus de souvenirs, mais de sensations simples –
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– comme ces vols de palombes qui depuis plusieurs jours passaient devant leurs fenêtres. l’enfant en sortant du sommeil avait demandé où était partit la pluie, il lui avait répondu qu’elle n’était pas venue, que ce qu’elle avait entendu, blottie dans sa petite cabane de planches, c’était les ailes claquantes et douces des oiseaux d’ici. des oiseaux qui habituellement se cachent, mais qui ces derniers temps sortaient en compagnies entières, passaient comme des nuages gris et rosés d’un coin du ciel à l’autre. et presque chaque jour, en un endroit différent, il levait les yeux pour apercevoir un passage de ces animaux qu’il avait l’habitude de juger grossiers, et qui se révélaient, dans la musique de leur vol, dans la grande pudeur des formes qu’ils lui montraient savoir dessiner, des bêtes plus belles que le plus beau des ciels. –
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photo © Doulas Miller, pexels.
ailes douces des oiseaux d’ici,
toi qui les vois de ton lit,
dans le rectangle de la fenêtre
strier les jours,
inquiets sous les nuages de passage,
revenant sans cesse
cris stridents d’hirondelles
s’en vont et reviennent,
pluie soudaine
ou retour d’azur,
et pourtant aucune trace
inscrite nulle part,
sur la vitre
ou dans l’espace:
est ce donc que le temps n’a pas existé
immobilisé comme toi
sur le lit d’hôpital ?
RC