j’ai besoin de rondeurs.
le monde est rempli de rondeurs.
la rondeur de la planète.
le mot rondeur je l’aime.
il y a dans le monde
des petits rondins de vie.
j’aime le soleil, parce qu’il est rond.
j’aime le rond, parce qu’il est soleil.
et il y a dans ton lobe d’oreille,
toute la rondeur de l’amour.
et mon amour est doré,
comme du foin.
et mon amour est rond,
comme une botte de foin.
une botte de foin, c’est rond.
et moi je suis pas ronde,
presque ronde,
mais pas ronde.
j’ai comme ça des rondeurs.
je suis comme ronde mais
je suis pas entièrement ronde,
je suis globalement ronde quoi,
je suis généralement ronde,
pas en totalité,
la totalité de moi n’est pas ronde, non.
non.
on peut pas dire ça,
on peut pas dire ça !
on peut dire mon orteil est rond,
mais pas je suis ronde.
peut-être qu’un jour je serai ronde,
dans mon ventre.
mais c’est pas maintenant,
…….et c’est pas sûr,
…….et peut-être que
…….ça fonctionnera pas,
…….et que je le regretterai,
…….et bref.
si j’étais un rond est-ce que je serai un petit rond ou un gros rond ?
un gros rond ça me plaît plus qu’un petit rond
mais je ne saurai dire pourquoi.
je ne saurai dire pourquoi c’est un gros rond qui m’appelle plus qu’un petit rond
pourtant c’est là
je ne saurai dire pourquoi
même si là je dis “pourquoi”
et quand je trace
ces lignes sur le papier
je fais des ronds.
pas parfaits mais
des formes circulaires.
dans « circulaire », il y a des ronds
“gros ronds” sont deux mots ronds
et “je ne saurai dire pourquoi” c’est une phrase assez ronde.
alors que “je trace ces lignes sur le papier” pas du tout
et “circulaire” c’est un mot rond un rond mot
j’aime quand c’est rond.
j’aime les tartes et les balles,
les cerceaux et les ballons,
j’aime le lobe d’oreille d’un joli garçon…
je disais donc :
j’ai besoin de rondeurs.
et mon amour est rond,
comme une botte de foin.
et mon amour est doré,
comme du foin.
du foin, c’est doré.
c’est doré,
et ma main est dorée.
la botte est cylindrique,
et ma main est en creux
| rencontre |
ma main reste entrouverte au repos,
elle attend une rondeur pour la compléter,
ma main dorée.
peuplée d’un vide doré.
J’invente, fertile, ce qui viendra habiter ma main
la tienne ? la tienne.
ce matin j’ai ouvert les volets dorés | dans la chambre dorée | j’ai bu le café doré |l’oiseau doré est passé | m’a saluée | il reviendra ce soir | il reviendra ce soir et moi | je serai là dorée | après ma journée dorée | ce sera doré quand je me coucherai |avec mes pensées dorées | mes oreilles dorées | écouteront la nuit dorée | et je ne sais pas pourquoi tout ce que je fais ou pense ou dit est doré,
mais c’est doré. toujours doré é d o r é r o d e r o d r o n d . . .
ça commence à tourner en rond en moi
ça commence à tourner en rond tout ça
tout en moi est rond et doré
tout à l’intérieur de moi est rond et doré
même mon ami qui est mort est mort doré.
je ne peux voir que le doré
et la mort que la vivre.
bon.
toi le garçon !
aux jolis lobes d’oreille.
coupe-moi les hautes herbes.
fais-moi la moisson.
ne laisse pas mes foins intacts.
.
.
.
(Photo de Despierres Cécile, Pexels)
Un bon texte tonique, qui autorise, chante, offre de l’enfance et des choses qui poussent, un lyrisme sans chichis, sans complaisance de forme, avec une voix personnelle et vivante, ça fait du bien!
Chère Laure-Anne,
Merci pour vos mots qui sonnent comme ceux d’une lecture sensible et attentive. Ils parviennent jusqu’à moi comme étant justes. Je suis ravie qu’une certaine tonicité, que je place assez haut dans mon travail d’écriture, soit mentionnée.
Je vous adresse donc un merci VIVANT !