Dans Paris est à la fois un huis-clos dans un appartement et une errance dans Paris.
Un cheminement géographique et existentiel, affectif et dépressif.
Le frère dépressif d’avoir vécu à la campagne et d’avoir rompu avec sa petite amie, rentre au bercail, à Paris, chez le père, vivre une dépression stupéfiée et passive, dans un appartement, une chambre. Il a fait sa TS élémentaire, la nuit précédente, par noyade. Le beau Garrel lui continue ses amours passagères, rencontrées au hasard de Paris, renouant avec ses ex, totalement irresponsable et non adulte, devant de l’argent aux femmes, tâchant de les baratiner pour les récupérer. Beau parleur élémentaire, beau brun aux cheveux bouclés qui envoûte les rencontres parisiennes, passant de l’une à l’autre.
Donc, deux frères opposés, le fidèle vivant à la campagne, l’infidèle vivant à Paris. Rat des villes et rat des champs. Mais pas exactement. Le rat des champs est en fait un rat des villes transplanté, sans attache, ni activité rurale.
Parents séparés, père bougon et vieux célibataire un peu grincheux, mère se voulant moderne et plus volage.
Un sapin de Noël, symbole de toute famille déliquescente.
Finalement, on le fera, le sapin acheté par le père, et on mangera son bouillon censé remonter le moral.
Et l’on dormira à trois, une femme deux hommes, façon La maman et la putain, après avoir écouté un disque de Patricia Kas.
Paris se résume à ses quartiers ouest et chics, les grands magasins aux vitrines pleines d’automates pour Noël. L’appartement n’est pas haussmannien mais moderne. Clin d’œil assumé à une Nouvelle Vague qui a changé de quartiers d’arrondissements.
On tâche de continuer la bohème estudiantine, de faire perdurer les petites amoureuses et les miracles.
Garrel garde son humour intact, ses talents de narrateur, regard caméra très godardien, du haut de son balcon, commentant au fur et à mesure les aventures d’adolescents trentenaires mais éternels.
Paris est une ville amoureuse d’elle-même, à bout de souffle et de fiction. On court pour arriver à temps au Bon Marché, on se chronomètre comme si on traversait le Louvre à la course façon Bande à part, comme si l’on pouvait dans le Paris du nouveau millénaire retrouver l’insouciance des sixties, sans militantisme aucun.
Paris décor de théâtre ou personnage principal, c’est selon. Personnage éponyme, faisant pendant aux images du début dans la campagne et les forêts du centre de la France. Mais c’est une fausse campagne, vie de citadin, maison parfaite aucun jardin concret ; des Parisiens qui vivent dans un décor végétal, sans plus. Cela ne prend pas, juste effleure la possibilité de la ruralité.
A Noël on revient chez le père (et non chez la mère, juste de passage, qui ne s’enracine pas), et des sapins très lourds à porter tentent de refabriquer des familles éclatées.
Garrel passe devant les deux affiches côte à côte de Last days et A history of violence. Au bord du suicide, mais dans un univers bourgeois bohème bien loin de la violence d’un film noir américain. Dans la quotidienneté la plus ouest-parisienne la violence dépressive se contente de donner le change, bien loin de la violence intérieure (tourmentée) d’un Gus van Sant ou extérieure d’un Cronenberg. Ce ne seront pas les derniers jours d’un condamné à se séparer de sa compagne, juste une histoire de dépression contemporaine et fulgurante.
A propos de Dans Paris, Christophe Honoré, 2006.