Y aura t-il des chansons à Noël?
Noël approche…
Chaque pays a ses coutumes pour fêter Noël sans pour autant célébrer la naissance du Christ autour d’un sapin en entonnant des chants angéliques.
Dans la tradition grecque, pas de sapin avec boules et guirlandes mais des bateaux que l’on décore. En Islande, les enfants attendent treize lutins facétieux, les “jolasveinar” qui leur rendent visite les treize nuits précédant Noël. Il faudra bien un plongeon dans une mer qui ne dépasse pas dix degrés et une pinte (pour le moins) de Guiness en écoutant des cantiques en Irlande, une sorcière Befana en Italie qui passe dans chaque maison pour déposer dans les chaussettes des enfants caramels ou charbon ( en réalité, du sucre noir), un concours de lanternes géantes aux Philippines, un sauna après les préparatifs en Estonie, le bouc de Noël “Julbock” en Suède, une bûche de Noël en France pour terminer le repas…
Saviez vous qu’il existe des chants de Noël qui rythment la période de l’Avent, véritable tour du monde des traditions de Noël? Il y en aura pour tous les goûts : Noël corse (A Filetta), celte, folk, baroque (de Josquin des Près à Monteverdi ), gospel (O Happy Day, Stand by me, Halleluya, Down by the riverside, Silent night, Holy Night), provençal avec galoubet, tambourin et fifre, lusitanien avec du fado, galicien, une traversée de l’Amérique latine aux Balkans avec le trio Zéphyr…
On peut aussi rester classique et écouter le Messie de Haendel dans la version William Christie et les Arts florissants chez Harmonia mundi, l’oratorio le plus populaire au monde, composé en trois semaines, « triple réflexion (en trois parties) sur le combat de la lumière et des ténèbres ». Du bien au coeur et à l’âme. En n’oubliant pas qu’au moment de son apogée, Haendel, criblé de dettes, dut quitter rapidement Londres, trouvant alors refuge dans une Irlande accueillante et généreuse.
Chaque année, je fais un singulier pas de côté, plongeant dans un bain de rétro, tentant de partager l’émotion qui me saisit en écoutant certains de ces antiques Christmas songs. Oldies but goldies pour moi du moins. Que de fois j’ai tenté de les glisser dans la platine lors des repas en famille ou entre amis. Difficile de parler, chanter, rire, manger en écoutant… Aurai-je plus de chance avec vous?
Je suis allée piocher dans la collection BD Music de ce label Nocturne qui, hélas n’existe plus- autre raison d’alimenter ma nostalgie. Quel bonheur de ressortir ces pépites accumulées avec patience par le directeur de la collection Bruno Théol qui en assurait aussi la sélection. La thématique était clairement énoncée, 1BD-1CD, notices chronologique, biographique et discographique détaillées. Chacune de ces compils, pas dégoûtantes du tout, était constituée d’une BD confectionnée avec un titre et une planche des principaux albums de la collection.
En cherchant l’or du temps, on peut trouver quelques pépites à partager. Tout à fait de circonstance donc ce Best of Christmas qui remonte à 2007, plutôt étonnant pour un public non anglo-saxon.
Si on connaît « Jingle Bells» ou le «White Christmas» de Bing Crosby, on entendra ce tube désuet et irritant qui équivaut au “Petit Papa Noël” de Tino Rossi dans deux versions plus supportables, par The Ravens en 1948 et par Clyde McPhatter& the Drifters en 1954. Si on se souvient de «The Christmas Song» de Mel Tormé, le rival de Frank Sinatra, interprétée ici par Doris Day en 1946, on retiendra surtout la version insurpassable de Nat King Cole en 1953, qui éveille une émotion irrépressible. Et ne me dites pas surtout que j’ai passé l’âge!
Si le grand Dino, le roi du cool, Dean Martin dans “The Christmas Blues” nous enchante comme d’habitude, on découvrira “Let it snow, Let it snow, Let it snow” chanté et même très bien, par le chef d’orchestre Woody Herman en 1945 qui fit jouer entre autres “The Sound” Stan Getz à ses débuts; ou le drôle «Santa Claus got stuck in my chimney» par Ella avec l’orchestre de son mari, Ray Brown en septembre 50. Et l’on comprendra à quel point le folklore de Noël est fort dans tous les pays qui célèbrent Santa Claus avec l’incontournable Bing Crosby qui revient aux côtés d’Ella dans«Rudolph the red-nosed reindeer”. L’épatante Eartha Kitt, à la vie compliquée, chante de sa voix sensuelle et mièvre un«Santa Baby» réjouissant alors que Lightning Hopkins nous souhaite une «Happy New Year» en 1953. Eartha Kitt – Santa Baby (Official Audio) – YouTube
Bien sûr, on se réjouira d’entendre l’inusable Satchmo se prêter à la fête avec entrain déclinant Noël selon la géographie de son coeur, «Christmas in New Orleans» et surtout «Christmas Night in Harlem» accompagné de l’excellent orchestre de Benny Carter.
Le Chant de Noël, récupéré souvent par Hollywood se voulait léger, inoffensif, presqu’angélique, s’adaptant aux modes et aux lieux, ici à l’espace blanc, neutre et feutré de ces Noëls. Ce n’était pourtant pas toujours idyllique: dans ce qui n’est pas tout à fait une comédie familiale, Meet me in St Louis en 1944 de Vincente Minelli qui privilégiait le rêve à la réalité, la petite Margaret o’ Brien, désespérée de devoir quitter sa ville, démolit furieusement tous les bonhommes de neige du jardin, volant la vedette à une juvénile Judy Garland, qui lui chante pourtant un poignant “Have yourself a merry little Christmas”. Car le Christmas blues existe bien comme dans les planches de la collection dont certaines m’évoquent le film des frères Coen Inside Llewyn Davies de 2013 où Oscar Isaac, tenant sa guitare, cherche en grelottant, à pied, comme tout un chacun un chat.
Il y a enfin dans ce registre douloureux,“I”ll be home for Christmas” if only in my dream, devenue un standard de Noël, sortie en 1943 au plus fort de la Seconde guerre mondiale, pour les soldats qui auraient tellement aimé être à la maison pour Noël et qui vivaient l’enfer dans le Pacifique. Un thème toujours en résonance aujourd’hui…
Dans le formidable Catch me if you can de Spielberg (2002) qui suit les aventures rocambolesques et la fuite éperdue de son alter ego, Leonardo di Caprio, une B.O sensationnelle de John Williams souligne cette rêverie autour de l’enfance qui se prolonge dans les scènes qui se déroulent à Noël avec The Christmas Song par Nat King Cole et I’ll be home for Christmas. What else?
En voilà deux versions très éloignées dans le temps mais pas dans l’esprit ! Plutôt exotique pour nous Français, non?
Bull Moose Jackson and His Bearcats – I’ll Be Home for Christmas – YouTube
Rascal Flatts – I’ll Be Home For Christmas (Official Music Video) – YouTube
Oublions les chansons d’hier mais restons dans la thématique avec une “curiosité” nordique, à la pochette classique et simplement classieuse, ces Christmas Songs sortis cette année, en novembre dernier, sur le label indépendant norvégien Grappa.
Le saxophoniste norvégien Trigve Seim, habitué du prestigieux label ECM, gage de qualité du son) et le musicien d’église, pianiste-organiste Andreas Utnem ont enregistré pendant le confinement un deuxième duo autour des chants de Noël en se livrant cette fois à des improvisations autour de mélodies profanes, contrairement au premier CD Purcor qui se concentrait sur des hymnes religieux. Ce Christmas Songs fut gravé dans une église d’Oslo, idéale pour restituer la gravité poétique, voire mystique de ces mélodies anciennes, d’auteurs souvent inconnus, que la tradition orale a portées jusqu’à nous. Un duo sobre et recueilli dans l’esprit de Jan Garbarek et Edward Vesala, des chansons délicatement belles, éthérées parfois.
Et vous, que chanterez-vous à Noël?
Merci, Sophie, pour ce parcours musical éclectique, assortis de tes commentaires toujours aussi précis et incitatifs.
Alors je réponds à ta question : chanter à Noël, à Pâques ou à la Trinité, je ne m’y risquerais pas, par égard aux oreilles de ma proximité. En revanche je peux rajouter aux tiennes une suggestion pour nos co-fragiliens : si vous ne connaissez pas encore les Goguettes (en trio mais à quatre), allez voir leur clips en ligne sur Youtube. Sur l’air de chansons françaises bien connues, ce sont des critiques politico-sociales aussi drôles que pertinentes. Dernièrement par ex « 49.3 » ou « Mourir pour M’Bappé » … Et la pianiste est excellente.
Merci Ariane ! Je me souviens des Goguettes lors du premier confinement. Ce qui était bien alors, c’était que tout le monde participait à sa mesure, un formidable élan collectif.
Je ne suis pas tout à fait d’accord : tout le monde a le droit de chanter, de fredonner quand on ne se sent pas sûr…. il n’ y a pas que des oreilles absolues autour de soi. De là à se prendre pour Marguerite et tenter des airs d’opéra avec un filet de voix 🤪
Merci chère Sophie pour cette promenade que je ne découvre qu’à l’Epiphanie, mais ça ira jusqu’à la Visitation.
J’ai apprécié le partage plus intime et peut-être intérieur que ces musiques de Noël impliquent.
J’ai chanté avec une charmante et dégourdie petite fille « The 12 days of Christmas », sorte de comptine que j’adore, et nous en avons entendu et vu la farcesque parodie lors de la représentation de Snow White dans la tradition des Christmas pantomimes, genre que j’ignorais, entre la comédie musicale, la blague scato qui réjouit les enfants et la blague salace que les parents comprennent déguisée sous une autre blague (très shakespearien!), un peu de magie comique, mais surtout un vrai bon orchestre et des chanteurs de soul excellentissimes(chansons connues parodiées en contexte)…Une découverte pour moi. Et franchement c’est très drôle !
Sans doute connaissais-tu déjà…
Il y a l’Avent et l’après Xmas! Tu arrives à point nommé avec The 12 days of Christmas, aujourdhui même ! Il y a une version marrante des Muppets.
Je n’ai jamais vu en vrai de pantomime, je connaissais un peu ce genre de divertissement familial à Noël, so british , s’appuyant sur des contes Cinderella, Snow white, le chat botté…un peu à l’origine des « musicals » inspirés aussi des vaudevilles minstrel shows.
Cette comptine me rappelle aussi « Dans le petit bois derrière chez moi » en moins sérieux 🤪 sans relation avec la naissance du Christ…