Des souris et un homme.
Dame souris trotte
Noire dans le gris du soir
Dame souris trotte
Grise dans le noir
Paul Verlaine
Essayer encore. Rater encore. Rater mieux.
Samuel Beckett
J’entends du bruit sur le plancher, celui du haut, je précise : au-dessus de ma chambre. Du coup, je ne sais que penser ni que dire mais ne peux dormir, ni rêver sinon vaguement à des choses qui n’ont rien à voir. Je cours comme un dératé mais vers quoi ?
D’ailleurs je ne vois rien mais j’entends beaucoup, beaucoup trop. En haut, c’est la danse de Saint-Guy pour ces espèces à longue queue, peut-être à la queue leu leu, encore qu’il ne s’agisse pas de loups. Heureusement, ce serait monstrueux.
Oui, les souris ont l’air de danser et jusqu’à la Saint-Glinglin. Ça ne s’arrêtera donc jamais ? J’évoquerais bien une ratonnade si ce mot n’était piégé. Comment dire alors ? Je ne sais. La chasse au rat, c’est perdu d’avance.
Si ça commençait à s’arrêter un peu ce serait déjà ça mais non ça rate à tout va. Elles s’arrêtent ? Non, je rêve. Encore ? Oui, elles continuent. Au secours !
Je vais à la cuisine pour oublier la sarabande et boire un verre d’eau de Vichy mais ça ne me rend guère pétillant.
Les rongeurs, eux, font leur cinéma. Silence, on tourne se disent les rats ou plutôt les souris. Oui je préfère finalement penser que ce sont des souris. Non monsieur Freud, je ne serai pas « L’homme aux rats »! Les rats c’est répugnant. Disons donc que ce sont des souris et que ce sont les stars de la soirée même si ça ne m’amuse pas beaucoup plus. Bon, je n’ai pas épuisé le sujet. Pour cela il aurait fallu que je m’en débarrasse.
Je pense alors à notre fabuliste animalier qui prisait assez cette engeance. Oui, il me faudrait un Raminagrobis qui croquerait volontiers « la rateuse Seigneurie » sans autre forme de procès et sans faire de quartier mais ça ne m’avance guère puisque je n’ai pas de chat. Donc les souris dansent. Autant retourner me coucher.
Je fais nuit blanche
Ce n’est pas la nuit qui m’a porté conseil mais un voisin, le lendemain, lors de la réunion annuelle du « syndic ». Après avoir voté le quitus, mon voisin d’en face, ayant appris mes soucis avec les mickeys, me parle d’un truc efficace, subito. Quand je dis « subito » ça ne veut pas dire qu’il m’a parlé subitement sans crier gare, à brûle pourpoint, j’énonce simplement le nom du produit. De quoi s’agit il ? D’une pâte rectangulaire que les bestioles affectionnent. Il paraît qu’elles raffolent plus encore de ce produit si l’on y ajoute un peu de vanille dit une voisine qui rebondit sur nos propos rateux en mettant son grain de sel. Vanille, vanitas, vanitatum me dis-je in petto mais pourquoi pas ? Et je suppose qu’une fois qu’elles tournent de l’œil, subito, il faut se débarrasser des cadavres ? Mon voisin a résolu la question en les enterrant toutes ensemble dans le jardin.
Beurk !
Voyant que je n’adhère guère à sa proposition, il rentre dans un trou de souris. Un troisième larron qui a suivi, de loin, la conversation et ma perplexité, me dit qu’il a mis des pièges avec du fromage. Classique : un rapt, tout simplement. Des souris en cage à n’en plus finir. Et d’abord, dis-je d’un ton un rien narquois, une fois qu’elles sont dans la cage, vivantes, on fait quoi ? On les lache en pleine nature. C’est écologique dit il.
Mouais !
Je rentre chez moi perplexe retrouver les dames souris qui trottent pour une nouvelle nuit blanche comme cette feuille qui accueille ce texte.
Encore raté.
Des souris et un homme.
Oui mais quel homme !
J’en souris.
Le lecteur serait-il lui aussi pris au piège de cette fiction aux accents autobiographiques ? Il aurait été savoureux d’assister à la libération des dites souris non loin d’une maison gombertoise! Aussi savoureux qu’un bout de fromage aromatisé à la vanille 😊
Merci Maus je suis flatté. J’espère que tes souris si attachantes n’ont pas pas pris mes élucubrations animalières en mauvaise part.
Autre temps, autre maison, autres mœurs : longtemps je me suis couché en m’endormant enfant, bercé par les souris qui trottinaient dans le grenier où s’entassaient les sacs de blé récoltés par mon père et qui servaient bon an mal an à nourrir « veaux, vaches, cochons, couvées. »
Bravo André pour ce texte rafraîchissant qui n’a rien de rasant ! Le rat (et son occurrence) est omniprésent, saturant les mots graphiquement ou phoniquement. Bref, de la belle ouvrage.
Merci au Chat Botté d’être venu à grandes enjambées voir mes souris…
Ravissant, même si subito pas rabelaisien…
C’est ainsi que les humains se mettent la rate au court-bouillon ! Et le pauvre lecteur, râletant, espère le dénouement de la fable et un traité avec les souris (une ratoune sous l’oreiller en échange d’un cat-rat-mel ? ) …A suivre…
Oui à suivre peut être puisque la fiction reste ouverte…
Un texte savoureux qui n’est pas sans rappeler la poésie et le style faussement naïf des contes de Michel Tournier (je pense notamment à Amandine ou les deux jardins où il est question d’un…chat fugueur). Bref, encore réussi !
Un texte savoureux qui n’est pas sans rappeler la poésie et le style faussement naïf des contes de Michel Tournier (je pense notamment à Amandine ou les deux jardins où il est question d’un…chat fugueur). Bref, encore réussi !
To a mouse
Ces souris de cartoon, de l’espiègle Mickey à Ratatouille, un vrai rat de goût, vivent dans un petit paradis, la maison de notre protagoniste, encerclé par ces stars de cinéma qui pourraient lui être fatales…Comme dans le livre dont le titre vient tout de suite à l’esprit, où une seule suffit à semer le trouble…
Pourquoi ne pas introduire un chat dans le récit, pas un pauvre Tom tout ratatiné mais un mousquetaire qui relèverait le gant?
A bon rat, bon chat!
Je ne rivaliserai pas avec les excellents commentateurs mais je laisse un petit mot pour dire que ces histoires de rat ou d’agneau sont vraiment plaisantes.