“For those of us […] seeking a now that can breed futures” 

« Pour celles et ceux d’entre nous qui cherchent un présent qui puisse nourrir des futurs”

(Audre Lorde)

What I am I cannot say  / Ce que je suis, je ne peux le dire (Eleni Sikelianos)

Connexion Limitée est un collectif de jeunes poètes et traductrices américain.e.s et français.e.s. Nous élaborons collectivement des traductions françaises de poésie américaine contemporaine et inversement.

 Shira est une poète israélo-américaine ; elle étudie la littérature et l’informatique à Brown University. Nadia est un.e artiste plastique et poète haïtien.ne américain.e ; iel effectue actuellement un double diplôme de création littéraire et d’arts visuels à Brown University et à la Rhode Island School of Design. Camille est comédienne, poète et traductrice française ; elle a fait ses études à Yale University aux Etats-Unis, et vit à Paris depuis quelques années. Lénaïg est chercheuse et poète française ; elle a fait ses études à l’Ecole Normale Supérieure, enseigné à Johns Hopkins University et est actuellement en doctorat de littérature à l’Université Paris VIII.

Not to search for meaning, but to reedify a gesture, an intent / non pas à la recherche d’un sens, mais pour réédifier un geste, une intention (Monica de la Torre)

Nous sommes quatre jeunes poètes et artistes queer francais.e.s et américain.e.s ; nous avons des origines diverses et représentons des identités de genre et de race multiples. Nous avons tous.tes vécu en France et aux Etats-Unis et avons fait de l’écriture et de la création un centre de gravité de nos existences. Des convictions poétiques, mais également politiques, nous rassemblent : la lutte contre le sexisme, le racisme, le classisme, l’homophobie, la transphobie, la prise en compte de l’urgence écologique, la nécessité de se réinventer, la décroissance. D’un point de vue poétique, nous avons tous.tes une conception très inclusive de la poésie ; nous aimons qu’elle fasse entendre des voix multiples ; qu’y résonnent les bruits de la rue comme ceux de la campagne ; qu’elle se chante, qu’elle se déclame, qu’elle se performe, autant qu’elle s’écrive – même s’il est vrai que pour l’instant les projets du collectif se sont concentrés sur la dimension écrite. En somme, notre conception de la poésie s’oppose à ce qu’on a pu appeler la « poésie pure », ainsi qu’à toute forme d’élitisme en poésie. Cela me rappelle un des slogans de la belle maison d’édition new yorkaise, Ugly Duckling Press : « keep poetry ugly », que l’on pourrait traduire par : « laissons à la poésie le droit d’être laide », ou quelque chose comme ça…

It is easier to work after our bodies meet / il est plus facile de travailler une fois que nos corps se sont rencontrés (Audre Lorde)

Connexion Limitée est né de rencontres contingentes, d’agrégations transatlantiques fortuites entre quatre poètes américain.e.s et français.e.s, et d’un immense désir d’écriture. C’est ce désir d’écriture qui fut premier : c’est par lui que nous nous sommes rencontré.e.s, puis que nous avons pris l’habitude de nous retrouver régulièrement, que les projets sont nés. Nous nous retrouvions d’abord pour des séances d’écriture poétique collectives, qui étaient pour nous un moyen d’extraire au tourbillon du quotidien quelques heures d’écritures hebdomadaires. Puis, comme nous étions tous.tes bilingues, que nous dansions toujours d’une langue à l’autre lors de ces soirées, nous en sommes venu.e.s assez naturellement à l’idée de la traduction poétique.

D’un point de vue géographique, ce collectif est né d’échanges entre la ville de Providence aux États-Unis (où Shira et Nadia font leurs études, et où Lénaïg a séjourné un semestre au printemps 2019 pour écrire) et Paris (où vivent Camille et Lénaïg, et où Nadia et Shira sont venu.e.s étudier à l’automne 2019). Si l’on veut être tout à fait précis.e.s, c’est grâce à la poète Eleni Sikelianos, professeur de creative writing à Brown University, qui a présenté Lénaïg et Shira, et que tout a commencé.

Enfin, peut-être faudrait-il évoquer aussi le souvenir des ateliers de traduction poétique collective organisés à l’Abbaye de Royaumont par les poètes français Emmanuel Hocquard et Remy Hourcade dans les années 1980 et 1990, sur lesquels Lénaïg travaille dans le cadre de sa thèse…

 What moves at the margins : Ce qui bouge dans les marges (Toni Morrison)

 Par le biais de ce collectif, nous désirons faire connaître et mettre en lumière à l’intention d’un lectorat et public francophone des textes d’autrices et d’auteurs nord-américain.e.s qui véhiculent une parole poé(li)tique que nous jugeons importante et dont nous aimerions nous faire les médiatrice.teurs ; en particulier, les textes d’autrices et d’auteurs dont les textes sont peu visibilisés à l’étranger soit parce que les autrice.teurs sont encore à leurs débuts, soit pour des raisons de genre, de race, de classe, etc. Notre objectif, plus général, est tout simplement de rendre accessible à un lectorat francophone (ou anglophone) des textes qui donnent à entendre d’autres voix, soit parce qu’il s’agit de voix peu audibles pour des raisons politiques, soit parce qu’elles correspondent à des chemins poétiques peu explorés dans l’autre pays. Pour nous, l’acte de traduire en soi est un acte tout à la fois poétique et politique : parce que toute traduction est une création nouvelle ; mais aussi parce qu’elle permet le transfert, d’une sphère linguistique à l’autre, d’innovations poétiques. Le choix de traduire tel.le autrice.teur ou tel.le autre, enfin, n’est pas neutre d’un point de vue épistémologique : c’est se faire les relais d’une voix qui nous est chère, et par là même augmenter sa portée.

When the world stops, when the power fails and the car won’t start and there’s no water and your children are dead, what is there left to do but to waste time? / Quand le monde s’arrête, quand il n’y a plus d’électricité et la voiture ne démarre plus et il n’y a plus d’eau et vos enfants sont morts, que vous reste-t-il à faire d’autre que de perdre du temps ? (Mary Ruefle)

 Comme souvent, le nom est venu après la chose : nous traduisions ensemble le recueil de Mόnica de la Torre depuis plusieurs mois déjà, mais le temps manquait, et nous avons décidé d’organiser une résidence de traduction à la campagne, en Normandie, pendant quelques jours, afin d’avancer dans la traduction du recueil. Or, il s’est trouvé que, dans cette maisonnette perdue au milieu des champs, le réseau était vacillant. C’est pourtant le moment où nous avons le plus avancé dans la traduction collective. Nous avons donc choisi de garder « limited connection », qui signifie « réseau limité » en anglais, comme nom du collectif. Le français « connexion limitée » est en réalité une traduction maladroite de l’anglais « limited connection » – mais nous avons trouvé cela drôle, et nous l’avons gardé. Au-delà de l’anecdote, ce qui nous a plu dans ce nom, c’était l’idée que dans la traduction collective, le dialogue à voix haute sur le sens et l’interprétation du poème importe au moins autant que la recherche lexicale et culturelle via internet. Le nom renvoyait par ailleurs à cette idée plus politique de décroissance, de déconnexion…

Our lives now being language / nos vies deviennent langage (Rosmarie Waldrop)

Notre premier projet a été la traduction du recueil The Happy End / All Welcome, de la poète mexicano-américaine Monica de la Torre. C’était là aussi le fait de rencontres : Nadia et Shira avaient suivi les cours de création poétique de Monica de la Torre à Brown University, et Lénaïg avait rencontré Monica de la Torre à New York, lors du lancement d’une anthologie à laquelle elle avait contribué dans une librairie de Brooklyn ; Camille avait quant à elle assisté à une lecture de Monica de la Torre à Paris dans le cadre de la série de lecture franco-américaine Double Change, en juillet 2019. Monica de la Torre est une personne profondément sympathique, qui nous avait tou.te.s touché.e.s, et nous trouvions sa poésie drôle et iconoclaste. Elle n’avait alors jamais été traduite en français. Or, il se trouvait que Matvei Yankelevitch, le directeur d’Ugly Duckling Press, avait offert le recueil The Happy End/Old Welcome à Lénaïg, qui l’avait ramené à Paris. Nous avons donc commencé à traduire les poèmes uns par uns – et nous ne nous sommes pas arrêté.e.s.

Le second projet a été la traduction du dernier livre de poésie d’Éleni Sikelianos, What I knew, paru au printemps 2019. Shira et Lénaïg avaient rencontré Éleni Sikelianos à Brown et étions restées en contact ; son œuvre avait déjà été traduite à plusieurs reprises en français, notamment par Béatrice Trotignon. Si l’œuvre d’Éleni Sikelianos nous intéressait de manière générale, et notamment son intérêt pour les questions féministes, queer et écologiques, le dernier recueil nous plaisait tout particulièrement, notamment l’interrogation sur le savoir et l’expérience dont elle était porteuse, à l’ère des fake news. Comme personne n’avait amorcé le travail de traduction, elle nous a donné son accord pour que nous nous en chargions. Camille et Lénaïg s’y sont attelées au printemps 2020, et la traduction devrait être achevée à l’automne 2020.

Le troisième projet est né de la découverte du recueil La main de la main, de la poète française Laura Vazquez, dans la très belle librairie marseillaise L’Hydre. C’était au début du confinement ; nous avions envie de lancer un projet de traduction vers l’anglais : nous avons contacté Laura Vazquez qui a accueilli notre projet avec enthousiasme. Shira et Lénaïg ont élaboré une traduction de ce recueil en dialogue avec la poète durant le printemps 2020.

May you in your innocence sail through this to that  puissiez-vous dans votre innocence / naviguer de ceci à cela  (Lucile Clifton)

Nous terminons actuellement la traduction du livre d’Éleni Sikelianos. Après celui-ci, nous allons probablement faire une pause de quelques mois, pour traduire des poèmes isolés d’autrices et d’auteurs plus jeunes, pour des revues de poésie, afin de diversifier nos traductions, et de souffler un peu. Les discussions concernant l’autrice ou l’auteur dont nous traduirons le recueil cet hiver, néanmoins, sont en cours…

Un nouveau chantier s’ajoute par ailleurs à celui du collectif, tel que nous l’avions initialement conçu : nous sommes en train de créer une revue de poésie contemporaine franco-américaine, qui publie les textes de jeunes poètes français.e.s et américain.e.s et qui propose une traduction de tous les textes dans l’autre langue. Le but est de créer un espace de création et de lecture commun pour la jeune génération tant française qu’américaine, et ainsi éviter que la réception des œuvres dans l’autre pays soit à chaque fois retardée d’une dizaine d’années, le temps que l’auteur.rice soit connu.e dans l’autre pays, et que son œuvre soit traduit.e. La revue en ligne Fracas par exemple, propose ce type de format, pour les mondes francophones et hispanophones. Ici encore, il s’agit de créer un lieu commun et inclusif, un refuge poétique transatlantique, un endroit safe et propice pour que des voix diverses puissent créer et être lues, au-delà des frontières nationales et linguistiques.

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Collectif Connexion Limitée / Limited Connection : Shira Abramovich, Camille Blanc, Lénaïg Cariou, Nadia Wolff.

Site du collectif : https://connexionlimitee.github.io/

Contact : connexionlimitee@gmail.com

(Photo Markus Spiske, Pexels)

Connexion limitée

Connexion limitée

Le Collectif Connexion limitée / Limited Connection est un collectif de traduction qui réunit des jeun.e.s poètes queer franco-américain.e.s. Il entreprend de traduire des auteur.trice.s qui, par leurs écrits, viennent questionner les normes dominantes, tant sur le plan poétique que social. Site web : https://connexionlimitee.github.io/fr .

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