Pierre A. est un homme de l’angle : mâchoire angulaire, lunettes angulaires, angulaire est même son nom si l’on y ajoute l’accent aigu que certains le soupçonnent d’avoir – question sur laquelle il me serait difficile de prendre position sans une enquête approfondie, l’auteur ayant déjoué ma récente tentative de ruse en signant sa réponse d’un sobre « Pierre ALFERI » – ce qui, à défaut de corroborer ou non l’angularité déjà nettement affirmée de l’écrivain, nous fournit cette autre caractéristique essentielle : Pierre A. est un artiste CAPITAL.
Pantalon ajusté à la taille, coupe droite, ça ne fait pas un pli : Pierre ALFERI a la classe. Le p’tit Prige écrit des Chino, mais c’est Pierre A. qui en porte quand il traverse la salle de la Cômerie depuis la régie (angle inférieur gauche) jusqu’à la scène (angle supérieur gauche) : son pas est ferme, net, il allume son ordinateur (angulaire il va sans dire) – et que le spectacle commence.
On se rend alors compte de deux choses : Pierre ALFERI a 1) de l’humour et 2) un léger cheveu sur la langue1. Une fois ces constats effectués, on rentre dans le cœur des textes et l’on se rend compte de deux autres choses : Pierre A. 1) écrit en dessinant et 2) dessine en écrivant, c’est-à-dire qu’il mélange les processus d’une façon telle qu’il s’agit presque de la même activité et il faut le dire, c’est renversant alors je note aussitôt sur mon carnet « apprendre à dessiner » et au moment même où je me dis que c’est renversant, Pierre A. lance ses vidéos-poèmes et voilà que c’est encore plus renversant alors en-dessous d’ « apprendre à dessiner » je note « apprendre à faire des films », ça devrait m’occuper pendant un bout de temps, et comme je me demande ce que Pierre A. va nous montrer ensuite, il rabat l’écran de son ordinateur et remercie le public : c’est fini pour ce soir.
1 En prêtant bien l’oreille, on comprend qu’il ne s’agit pas tant d’un cheveu sur la langue que d’une prononciation remarquablement accentuée de la lettre S, phénomène que l’on expliquera par le désir de compenser une surangularité personnelle en mettant l’emphase sur l’une des rares lettres non-angulaires de l’alphabet.
Ce texte est le troisième de la série « Des poètes au micro », après celui sur Liliane Giraudon et Nathalie Quintane et celui sur Christian Prigent.