… la conquête de la désobéissance
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« Dans les montagnes, les tournants me donnent la nausée. Je finis par m’endormir.
Quelques heures plus tard, il fait nuit. Je suis allongée de tout mon long. J’ai froid, ma tête est lourde. Lentement, je me mets sur le flanc. De là où je suis, je devine des touffes d’herbes le long de la route et sous mon visage, quelque chose de granuleux, de poisseux. Le ciel est plein d’étoiles. Je tente de me lever, je renonce puis retente. J’ai mal partout. J’approche la main de mon épaule, pousse fort et mon torse finit par se décoller du bitume. Une voix étouffée m’appelle. Je la cherche dans l’obscurité, tourne la tête. La voiture, plus bas, n’est plus qu’une boîte de conserve déformée. Elle est sur le toit. Le pare-brise a explosé. Papa crie. »
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La narratologie a pu faire son miel des ruptures de récit. Elles sont souvent présentes dans les récits courts ou vifs comme celui d’Ilaria. On fait l’économie d’une diégèse trop étoffée, trop bavarde, on va à l’essentiel des faits.
Dans le roman de Gabriella Zalapi, vers la moitié du livre, existe une rupture remarquable, matérialisée par un saut de deux lignes d’un paragraphe à l’autre. Elle est bienvenue puisqu’il s’agit de dire un accident de voiture. La narratrice retrouve le bitume comme dans la scène d’ouverture où elle y posait ses mains en faisant, on l’apprend à la fin du paragraphe, le cochon pendu.
Au-delà de l’effet de surprise pour le lecteur, l’épisode est doublement symbolique. D’une part, parce qu’Ilaria finit par se relever, se relever vers le ciel plein d’étoiles : l’espoir demeure ainsi que vers ce ciel elle tentera, toujours, on se le suppose, de s’élever. Il est le cadre de la rédemption ou de la résilience comme on dit aujourd’hui. D’autre part, parce que, encore une fois, la narratrice s’est retrouvée seule sur le bitume, elle va donc s’en sortir mais c’est aussi elle qui va venir au secours de son père qu’elle entend crier.
Trop forte, Gabriella !