Comme une demoiselle démultiplie le ciel sur les émaux de ses ailes
et réserve une couleur à chaque figure de l’étang je préfère imiter
Car si on me retire ta langue, si on ôte mes ailes
je ne suis qu’une mante qui lentement dévore
qui certainement impose, qui n’a d’autre choix
que le sien
C’est à toi que je m’adresse, censeur au-dessus de mon épaule
censeur qui laisse son masque et son manteau
Celui dont le regard me baigne pour que je me laisse regarder
Un regard qui porte le jour indéterminé
[écume]
deux boucles
s’agrippent à la laine
la tête tourne une vague se forme
balaie l’écume la repousse
les galets roulent écrasent les coquillages
qui s’enfoncent profond dans le sable
loin des remous de l’écho et des cris
des ficelles qu’on tire des ressacs qu’on plie
mousse d’écume teintée d’iode
et de la sueur des poissons
elle sent la mer telle qu’on l’ignore
celle qui stagne et agite les bas-fonds
on l’écrase du bout du pied
on la contourne se concentre
sur ces rencontres malgré nous
horizontales pour lesquelles
on tourne la tête
quand la tête a tourné
la tête est fixée et la mer
se retire pour ne plus
revenir et fond
l’écume qui
crépite
—
[toile blanche]
les voiles des bateaux prennent le vent, poussées par la terre et par des dieux violents
à terre une longue robe blanche se tend et recouvre un corps dressé jusqu’à lors jamais observé
la longue robe blanche est gonflée par le vent
le corps tourne autour de la robe, tourne autour de l’axe choisi par le vent
touché par la robe, le corps existe
le corps est visible parce qu’un jour, une heure, dans une crique ou dans des bras prisonnier, le soleil l’a baigné
au sein de ce corps vieilli persiste l’essence d’un autre corps, d’un muscle tendu entre l’os et la peau
il persiste un fruit dont le sucre a couvert le sel et les gerçures du vent
ce corps isolé de la flotte qui s’éloigne s’ancre à chaque pas dans l’argile calciné
le corps tourne et s’enfonce, toujours plus profondément
traversant la falaise jusqu’au noyau de la terre il rejoindra la mer, mû par le vent qui souffle dans les voiles de la guerre, mû par son propre mouvement
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Mu.E.s est une exploration