[pesanteur]
je m’allonge je cède
à la pesanteur je souhaite
que mon cœur s’étende comme
un liquide sans barricade
qu’une sphère disparaisse
que ses limites se dissolvent
que le liquide se répande
que je sente
réellement
courir sur mes os
corroder mes muscles qu’il y ait
autre chose que l’angoisse qu’il y ait
une réalité
que la douleur me fasse
contempler le présent et efface
le futur
qu’un geste se fasse sans que le suivant
se détache
que mon cœur infiltre
l’abstraction de notre fait
—
[esprit]
mon esprit n’est pas viande morte
mais muscle vivant
mon esprit n’est pas animal
et pourtant
mon esprit pourra-t-il s’attendrir
une fois acceptée la violence
acceptés ses besoins
de protection, de ressemblance ?
mon esprit n’est pas un animal
dominant une chaîne en contraction
mon esprit n’est pas libre
mais aujourd’hui il s’en crée l’illusion
mon esprit est un corps vivant
matière nerveuse, grise et laiteuse
une huître dans sa coquille
magnifiant seule ses rejets
mon esprit est une plume lestée
aspirant à épouser le flocon
adhérer enfin au sol et filtrer seul
tes pollens et ma poussière
\/
Et une main dans les nuages, une main dans les profondeurs de la terre
j’amène à moi les vagues de cette eau qui a fui
Capillarité de tes mots et des miens
Dans cet écartèlement je me fais étang
pour que tu t’y regardes à ton tour
que tu y trempes tes pieds