(Extraits)
Devant nous
une longue queue d’âmes crevées sacs à dos sur les épaules
yeux gonflés joues tachées
la faim qui tyrannise le ventre
petites fourmis hystériques qui cherchent des miettes à ramener à la maison
la maison, sur leurs épaules
lassés, comme s’ils avaient vécu depuis trop longtemps
leur vraie vie qui continue dans les personnes qu’ils ont aimé leur vraie vie qui continue ailleurs
c’est la dictature du clivage
la foire aux bêtes qui aiment les cages car le monde leur fait trop peur
voici novembre, irréparable
Ils crient sans crier
qu’on ne les voit pas
dans une longue queue devant la gare
distribuer du pain, du café, du thé, des plats chauds, des salades des soupes, même en été
on leur sert des compotes des madeleines
des gobelets pour la fontaine d’eau qu’on met à leur disposition on leur offre un regard
car ils crient sans crier ils crient très fort
qu’on ne les voit pas
mais nous, on est là aussi pour ça
Valérie me demande un cafe au lait
deux cuillères de sucre une madeleine
même pour son ami
mais moi je ne le vois pas
Ont-ils le même âge, la cinquantaine ? Que partagent-ils ?
Aumônes et souvenirs
dans les coulisses du désamour
Et dans la dentelle des disparitions des gestes de rue délicats
tant de beaux visages que les larmes cachent
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(Photo Evgeniy Grozev, Pexels)