« Spinoza semble n’avoir pas du tout connu les chiens. »
Schopenhauer (Parerga et paralipomena)
Schopenhauer, lui, aimait beaucoup son chien et j’imagine qu’il parlait avec lui comme l’enfant avec sa poupée (cf 2/15). Sans doute est-ce pour cela qu’il ne se priva pas d’aboyer contre ses contemporains.
En bon misanthrope, il investit son affectivité dans les animaux. Il a écrit de fort belles choses sur leur proximité avec nous humains, notre scandaleuse cruauté à leur égard.
Quant à Spinoza, il ne lui pardonne pas un fait bien connu de toi, lecteur (cf mon abécédaire dans cette revue).
« Les tortures que, à en croire Colerus, Spinoza exerçait habituellement, pour s’amuser et en riant de bon cœur, contre les araignées et les mouches, ne répondent que trop bien aux propositions attaquées ici (éthique p4 chap 26 de l’appendice, et scolie prop 37), comme aux chap cités de la Genèse (1 et 9). Tout cela fait que l’éthique de Spinoza est un mélange de vrai et de faux, de choses admirables et de choses mauvaises. » (P&P)
Il faut reconnaître que Spinoza sur la question des animaux ne prend pas de distance avec l’anthropocentrisme judéo-chrétien (cf en effet les passages bibliques indiqués).
Quant à la proposition incriminée de l’appendice de la partie 4 d’Ethique, elle dit en gros : en tant qu’humains, on ne peut véritablement être en relation qu’avec les autres humains. Le reste de la nature est donc à considérer en fonction de la règle de notre utilité.
C’est vrai que ça se discute. (Et d’abord faudrait définir l’utilité. On a fini par s’apercevoir qu’elle n’est pas si dissociée que cela de celle des animaux, et de la nature en général).
Tiens et puis tant qu’on y est, autres questions :
Schopenhauer était-il plus tendre que Spinoza ?
Quel rôle joue le romantisme allemand dans sa compassion animalière ?
La misanthropie est-elle le plus court chemin vers l’écologie ?
Pourquoi mange-t-on du chien en Asie ?
Sachant qu’on y mange des vers, du pangolin (horresco referens) (non je rigole, ce pauvre pangolin a été disculpé paraît-il), quid des araignées et des mouches ?
Je laisse à la lectrice-teur le soin d’analyser tout seul ces questions en bonne méthode dialectique, moi là j’ai pas le temps : faut que je sorte le chien.
Image par elizadiamonds de Pixabay
Ce sont de bonnes questions, et aussi j’adhère à la disculpation de Spinoza : on ignorait encore les chaînes écologiques. Nul doute qu’il aurait de nos jours reconsidéré sa position. Et aussi : à choisir, je choisirais toujours de sauver hic et nunc l’humain.
Il y a toujours le contexte historique de l’élaboration d’une philosophie, non ? ce qui disculpe Platon d’avoir eu des esclaves, Paul de Tarse d’avoir été macho, nonobstant l’exemple du maître, mais qui ne nous dispense pas de faire une grande révision de leurs systèmes. Faisons-leur crédit qu’ils en feraient autant. Si jeunesse savait, si vieillesse pouvait !
Quand j’étais petite je scandalisais mon père parce que j’étais bouleversée en regardant les westerns de voir tomber force chevaux dans les batailles, en m’émouvant beaucoup moins de la mort des humains. Je pense que les voir hurler et se taper dessus à mort, d’une certaine manière me faisait penser : c’est bien fait pour eux … et j’expliquais à mon père, les chevaux, ils n’ont rien fait, eux !
Oui en Asie, beaucoup de viandes sont cacher ou hallal sans problème. Et j’ai vu écorcher vif un crapaud sur un marché à Hanoï pour un client.
Sensiblerie, sensibilité, codes culturels, qu’en dit notre romantique Arthur? Avait il un caniche ou un bichon, ou un loulou? je ne le vois pas avec un berger allemand !
Merci, Laure-Anne pour ces réflexions qui élargissent de façon fort pertinentes mon propos. Le chien d’Arthur, perso je le vois sous les traits de l’émouvant petit chien noir du tableau de Goya, intitulé précisément « Le Chien ». Un chien qui dit la force créatrice de la mélancolie assumée.