« C’est ce qu’il y a de commun dans ces différents intérêts qui forme le lien social, et s’il n’y avait pas quelque point dans lequel tous les intérêts s’accordent, nulle société ne saurait exister.
Or c’est uniquement sur cet intérêt commun que la société doit être gouvernée. »
(Du Contrat social II,1 Que la souveraineté est inaliénable)
Cet intérêt commun à tous les intérêts : c’est le principe du PPDC. Plutôt élevé dans une petite structure fortement intégrée, il sera ridiculement bas à l’échelle de structures plus complexes et hétérogènes. Le PPDC français, européen, à combien les estimer ? On dira ce n’est pas une question quantitative, mais de consensus sur les valeurs. Mettons, mais ça pose autant de problèmes (cf 5).
« Il s’ensuit de ce qui précède que la volonté générale est toujours droite et tend toujours à l’utilité publique ; mais il ne s’ensuit pas que les délibérations du peuple aient toujours la même rectitude.
On veut toujours son bien, mais on ne le voit pas toujours : jamais on ne corrompt le peuple, mais souvent on le trompe, et c’est alors seulement qu’il paraît vouloir ce qui est mal. »
(DCS II,3 Si la volonté générale peut errer)
1)Comment faire pour que les différentes volontés, portées par différents intérêts, souvent incompatibles, coïncident avec la volonté générale, seul vecteur possible (cf supra uniquement) de l’intérêt du corps social en tant que tel ?
2) Par quels mécanismes démocratiques lutter contre la tromperie du peuple qui le conduit à l’aliénation (satisfaire des intérêts autres que les siens) ?
Pour le premier point, Rousseau dit « ôtez des volontés particulières les plus et les moins qui s’entre-détruisent, reste pour somme des différences la volonté générale. »
Oui mais comment on fait ? JJ anticipe la perplexité du lecteur par une note « chaque intérêt, dit le marquis d’Alembert, a des principes différents. L’accord de deux intérêts particuliers se forme par opposition à celui d’un tiers. »
Autrement dit on avance dès qu’il s’en trouve deux pour partager un intérêt commun face à un troisième. Et en fin de compte l’intérêt uniquement commun, se sera construit de proche en proche, par intégrations successives de sommes d’intérêts partagés. Bruno Bernardi explicite :
« Philonenko a montré que le calcul intégral constituait l’arrière-plan mathématique de ce chapitre et plus généralement du livre II. La volonté de tous est la somme arithmétique des intérêts particuliers, la volonté générale est leur intégrale. »
L’ennui c’est que le calcul intégral ne marche que pour de petites différences. « Mais quand il se fait des brigues, des associations partielles aux dépens de la grande (lobbies s’agissant d’intérêts, partis églises ou mouvements s’agissant d’idéologies), la volonté de chacune de ces associations devient générale par rapport à ses membres, et particulière par rapport à l’État. »
Autrement dit ces groupes tendent à former des états dans l’état, qui détournent à leur profit particulier un désir de faire corps qui ne peut alors plus mettre son énergie au service de la volonté générale.
D’où l’idée « que s’il y a des sociétés partielles, il faut en multiplier le nombre et en prévenir l’inégalité, comme firent Solon, Numa, Servius. »
Le fragile mécanisme de la volonté générale nécessite donc la correction régulière de ses dérives. Ce qui se fait en partie d’en haut par le travail législatif.
Mais la préservation de la volonté générale dépend aussi et surtout du fait que les sociétés partielles, et en leur sein chacun des citoyens, ne perdent pas le sens de l’utilité publique.
Image par Gerd Altmann de Pixabay
Yep, ça paraît logique, le PPDC. Quand il semble tendre vers epsilon, à cause de la multiplicité des chapelles (flagrant en ce moment), comment on en sort à part par l’éducation? Et qui imposera les « bonnes » valeurs éducatives? ou convaincra les factions qu’elles ont intérêt à l’intérêt général quand tout se décide à 100 à l’heure via les twits, et que les journalistes qui essaient de faire sérieusement leur travail sont traités de menteurs à la solde du pouvoir, tout en subissant la pression de l’opinion, des doxas des réseaux, en se laissant déborder par eux, et comment l’éviter?
On en vient à rêver, car small is beautiful, mais ici bien sottement, de la cité athénienne, en voulant oublier qu’elle fut beaucoup plus esclavagiste que ne fut la nôtre, en oubliant aussi que multiplier les nations ergo identitarismes, c’est multiplier les guerres.
Bien d’accord, la peste qui menace toute démocratie est le nationalisme identitaire, voire le clanisme, qu’il soit ethnique ou idéologique.
Le remède est sans doute du côté d’un universalisme ouvert, généreux au sens propre, qui n’est surtout pas à confondre avec un impérialisme politique ou économique. Voilà voilà ….