- N°54 : À mon lecteur
De bonnes dents et un bon estomac –
Voilà ce que je te souhaite !
Et si tu as digéré mon livre,
À coup sûr tu sauras t’entendre avec moi ! (Prélude en rimes allemandes)
Difficile de prétendre que Nietzsche soit facile à digérer, tant sa pensée est dense, consistante, résistant à l’assimilation immédiate. Elle a besoin d’être ruminée, ce qui, n’est-ce pas Friedrich, ne peut que favoriser sa compréhension par nous les femmes*. Densité combinée paradoxalement (ou pas ?) avec un style tout en souffle, en envolées. En fait son truc, c’est parler en énigmes. Comme parlaient en énigmes prophètes ou pythies.
*La femme n’est pas encore capable d’amitié ; des chattes, voilà ce que sont les femmes, ou des oiseaux. Ou, au mieux, des vaches. (Ainsi parlait Zarathoustra. De l’ami) (Amis de la délicatesse misogyne, bonjour) (Mais allez voir dans Zarathoustra, il se rachète ensuite).
N°59 : La plume griffonne
La plume griffonne : quel enfer !
Suis-je condamné à griffonner ? –
Et ainsi je saisis hardiment l’encrier
Et écris à grands flots d’encre.
Que cela coule bien, si plein, si vaste !
Que tout me réussit, quoi que je fasse !
Sans doute, l’écriture manque de clarté –
Quelle importance ? Qui donc lit ce que j’écris ?
Je saisis hardiment l’encrier et écris à grands flots d’encre : Nietzsche est un sacré poète, en plus de tout le reste. Cependant quand on lit ça on se dit que pouvoir taper son texte à l’ordi, ça lui aurait bien simplifié la vie. Mais avait-il envie de se – simplifier la vie ?
(Eh oui Friedrich, moi aussi je sais le faire, le coup du tiret*) (j’avais pensé oser : avait-il – envie de se – simplifier la – vie) (mais j’ai trouvé un peu too much).
*cf 1/20
Peut être le rire aussi a-t-il encore un avenir ! Lorsque le principe « l’espèce est tout, un seul n’est jamais rien » – aura été incorporé par l’humanité et que l’accès à cette ultime libération et irresponsabilité sera ouvert à tous à tout instant. Peut être alors le rire sera-t-il lié à la sagesse, peut être n’y aura-t-il plus alors qu’un « gai savoir ».
En attendant, il continue d’en aller tout autrement, en attendant, la comédie de l’existence n’a pas encore « pris conscience » d’elle-même, en attendant, c’est encore l’époque de la tragédie, l’époque des morales et des religions. (Premier livre, n°1 : Les théoriciens du but de l’existence)
Nietzsche n’est pas du genre à penser lisse. C’est plein d’épines, d’aspérités. Ici comment ne pas s’écorcher l’entendement sur irresponsabilité ? Sur l’association de tragédie avec morales ? (Bon pour religions pas besoin d’aller loin) (dans le temps dans l’espace).
Est-ce appel au décentrement du moi-un-seul, à la sortie d’une fausse idée de la liberté ? Et du coup par comédie de l’existence peut être vais-je entendre quelque chose du genre :
Les hommes se croient libres pour la seule raison qu’ils sont conscients de leurs actions et ignorants des causes par quoi elles sont déterminées, et surtout, que les décrets de l’Esprit ne sont rien d’autre que les appétits eux-mêmes, et pour cette raison varient en fonction de l’état du Corps. (Spinoza. Éthique Partie 3, scolie de la proposition 2)
Illustration : Johnnyjohnson 20430 (Pixabay)