« C’est hors de soi que sont les seules jouissances indéfinies. »
(G de Staël. De l’amour)
L’amour, en tant que passion où entre le moins d’égoïsme devrait donc être le gage de cette jouissance indéfinie, d’une joie qui demeure. En outre l’amour ainsi considéré est une passion noble, hautement morale.
«Tout est oubli de soi dans le dévouement exalté de l’amour, et la personnalité (= l’égocentrisme forcené) seule avilit. »
L’amour est la passion qui peut donc le plus sûrement unir le bonheur et le bien. Telle est la profession de foi de Germaine.
Elle a été une croyante, une dévote même, de cette religion d’amour, dispensant sans compter admiration, tendresse, temps, argent, conseils, aux hommes aimés. Elle en a été aussi parfois la martyre, souffrant de rester amoureuse de qui la délaissait.
Tout donner dans son amour absolu, et ne pas tout recevoir en retour : cruelle dissymétrie qui fait que « Malgré le tableau que j’ai tracé, il est certain que l’amour est de toutes les passions la plus fatale au bonheur de l’homme. »
De la femme surtout. Car la dissymétrie correspond en grande partie à celle des sexes.
«Femmes, vous les victimes du temple où l’on vous a adorées, écoutez-moi. »
Suit un regard sans concession sur la société de son époque où le deuxième sexe n’a pas d’autre choix d’accomplissement que de réussir comme épouse (ou maîtresse) et mère. Analyse qui a d’autant plus de poids qu’elle émane d’une femme réellement émancipée, active, reconnue dans la société, et créatrice d’une œuvre importante*.
Situation regrettable, tout le monde y perd, dit-elle en substance. Mais bon, ajoute-t-elle, on peut se consoler, les filles : cette assignation au dévouement amoureux nous oblige au plan éthique, et fait ainsi de nous des humains vraiment dignes de ce nom. Alors que ces messieurs …
« Ils peuvent passer pour bons, et leur avoir causé (à leurs amoureuses) la plus affreuse douleur (…) passer pour vrais, et les avoir trompées ; enfin, ils peuvent avoir reçu d’une femme les services, les marques de dévouement qui lieraient ensemble deux amis (…) qui déshonoreraient (celui qui)se montrerait capable de les oublier ; ils peuvent les avoir reçus d’une femme, et se dégager de tout, en attribuant tout à l’amour, comme si un sentiment, un don de plus, diminuait le prix des autres. »
On sent le vécu … Passionnée, romantique, Germaine, mais naïve non. C’est sans naïveté qu’elle a aimé, se refusant avant tout à déchoir de sa noblesse d’amoureuse de l’amour.
*Beaucoup de points communs à cet égard entre la cousine Germaine et Maman Simone (de Beauvoir).
Crédit image : Gallica (gravure de Laugier d’après la peinture de Gérard)
Suite à votre parcours, dame Beth, je suis dans Corinne, un peu vieillot, mais où cette puissance et délicatesse d’amour apparaît toute, et il me semble que la comparaison avec la grande Simone s’arrête là, car je ne vois pas qu’elle donne de l’amour une image si généreuse, chat échaudé dans l’oeuf, ce qui n’est pas mieux, finalement.
Et puis gare au sexisme aussi, j’ai croisé de certaines de nos dames qui en auraient remontré en désinvolture aux amants les plus narcissiques et cruels….mais oui je sais, la statistique fait sens…