« La vertu, telle que je le conçois, appartient beaucoup au cœur ; je l’ai nommée bienfaisance, non dans l’acception très bornée qu’on donne à ce mot, mais en désignant ainsi toutes les actions de la bonté. »
(G de Staël. De la bienfaisance)
Germaine conçoit ainsi la bien-faisance comme la simple concrétisation, la mise en œuvre de la bonté inhérente selon elle au fait d’être (vraiment) humain.
« L’homme bon est de tous les temps et de toutes les nations (…) la bonté existe en nous comme le principe de la vie, sans être l’effet de notre propre volonté. »
« Il y a des vertus toutes composées de craintes et de sacrifices, dont l’accomplissement peut donner une satisfaction d’un ordre très relevé à l’âme forte qui les pratique ; mais peut être, avec le temps, découvrira-t-on que ce qui n’est pas naturel n’est pas nécessaire*, et que la morale, dans divers pays, est aussi chargée de superstition que la religion. »
Le rapprochement de ces deux citations parle de lui-même.
Craintes, sacrifices, ordre relevé, âme forte, dit la morale quand elle est façonnée par l’idéal du moi. Le principe de la vie, ce qui n’est pas naturel n’est pas nécessaire, répond la morale qui appartient au cœur, la morale quand elle trouve son origine dans l’élan libidinal vers autrui.
Un élan qui, pour être naturel et sans calcul, n’en trouve pas moins sa récompense, que Germaine formule en un bel aphorisme.
« La bienfaisance remplit le cœur comme l’étude occupe l’esprit. »
L’étude ouvre à la connaissance des idées des autres, la bienfaisance « apprend à considérer votre vie sous le rapport de ce qu’elle vaut aux autres et non à soi ».
Ce qui amène à la fin du chapitre une argumentation de l’intérêt politique de la bienfaisance (peut être était-ce conçu comme un jalon vers la 2°partie du livre, qui finalement n’a pas été écrite).
« Sans vouloir méconnaître le lien sacré de la religion, on peut affirmer que la base de la morale, considérée comme principe, c’est le bien ou le mal que l’on peut faire aux autres hommes par telle ou telle action. C’est sur ce fondement que tous ont intérêt au sacrifice de chacun, et qu’on retrouve, comme dans le tribut de l’impôt, le prix de son dévouement particulier dans la part de protection qu’assure l’ordre général. »
Comme dirait Montaigne « Quoi qu’on nous prêche, il faut se souvenir que c’est l’homme qui donne et l’homme qui reçoit. » (Essais II,12 Apologie de Raimond Sebon)
*Naturel/nécessaire : on aura reconnu le paradigme moral de l’épicurisme.
Crédit image : wikipedia. Germaine de Staël en Corinne par Firmin Massot.
C’est subtil et réjouissant ! Oui la bienfaisance, dont la solidarité est une des formes, de la manière que GDS nous la présente, s’articule bien avec le propos précédent et les réflexions sur le bien commun dont Robespierre était l’objet ou le prétexte. A trop prendre le citoyen par la main, on est vite tenté de lui tordre le bras, s’il ne devient pas bienfaisant assez vite, le vilain!