Ma jeunesse ayant été marquée par le décès de mes parents, l’investissement corporel, que cela soit dans ma pratique théâtrale et plus tard dans la psychomotricité, me semble être un point d’ancrage dans ma vie. La poésie, son expression la plus sensible.
Je crois que c’est dans ce texte que je relie les trois.
De 2019 à 2023, j’ai eu la chance d’exercer comme psychomotricienne dans le plus grand service de pédopsychiatrie de France à la Pitié Salpêtrière à Paris. Il est constitué de 7 unités spécifiques dont une unité de soins intensifs, l’unité Simon dans laquelle j’étais psychomotricienne référente.
Fermée, cette unité a une capacité de 6 lits pour accueillir des adolescent.e.s venant de partout en France, âgé.e.s entre 11 et 18 ans. Ils présentent tous des troubles somato-psychiques sévères comme l’autisme, la schizophrénie à début précoce ou bien encore l’anorexie mentale. Beaucoup ont des conduites de mise en danger sous forme de comportements auto-destructeurs, d’hétéro-agressivité auxquels il faut pouvoir répondre par une contenance humaine et collective.
C’est une petite unité fermée avec un vieux lino orange qui rend l’endroit chaleureux quand il fait beau.
C’est une petite unité avec des portes blanches des murs dans leur jus
des cartes UNO ébréchées
des petits bols en plastique bleus bien rangés et des soignant.e.s
des secrétaires des cadres
des agents
des enseignant.e.s qui travaillent toutes et tous avec un même objectif: le mieux être des jeunes.
En mars 2023, j’ai eu besoin de revenir aux sources, à mes chères terres manchoises que je trouve si sauvages. Je n’allais plus revoir celles et ceux qui ont fait mon quotidien pendant 4 années.
Celles et ceux que je ne connais pourtant pas si bien – je ne connais ni leur passé ni le prénom des enfants mis sur l’écran d’accueil de leur téléphone portable – mais avec qui les moments de travail ont créé une écoute, une confiance, une intimité professionnelle solide.
Comment élaborer une parole sur la violence de notre quotidien ? sur la violence subie par la santé mentale ? Comment raconter la vulnérabilité des parents ? celle des soignant.e.s ? la mienne ?
Comment digérer ce vécu et dans quel espace ?
De juillet 2023 à février 2025, j’ai ressenti le besoin de rencontrer un.e collègue de chaque corps de métier exerçant dans cette unité. Dans une démarche journalistique, j’ai enregistré nos échanges qui duraient une heure, parfois plus. S’en est suivie une période de réécoute puis de réécriture de ces échanges sous la forme de poèmes en prose.
La poésie a été le moyen, il me semble, le plus juste et le plus sensible pour mettre en mots le vécu corporel et affectif des soignant.e.s et des patient.e.s.