« La tragédie du grand âge, ce n’est pas que l’on est vieux, mais que l’on est jeune. » Oscar Wilde (Le portrait de Dorian Gray)
On n’est pas sérieux à 117 ans. Oscar l’a su d’emblée, même si, mort à 46 ans, il n’a pas eu le temps de le vérifier.
Si l’on était vraiment vieux quand on est vieux, on ne se dirait plus qu’une chose : après moi le Déluge (ou la catastrophe nucléaire finale, voire la météorite dinosauricide). On serait sensible au seul fait que quand on meurt c’est sa fin du monde personnelle.
Mais non, la plupart des vieux pensent normalement, c’est à dire comme les jeunes : qu’il y a plein de boulot pour rendre ce monde vivable (et déjà faire qu’il survive), qu’il faut s’y mettre, qu’il y a à faire et à penser. Du coup ils s’intéressent à la politique, l’économie, l’écologie, tout quoi.
L’ennui c’est qu’ils ne sont pas vraiment excédentaires en énergie, qu’elle soit physique, psychique, intellectuelle. Tout les touche encore au cœur, et peut être de plus en plus, mais leur cœur se fatigue si vite.
Bref y a comme un gap entre les affects qui ont toujours vingt ans et les artères (etc.) qui ne peuvent pas en dire autant.
« L’âme naît vieille, mais elle rajeunit. Voilà la comédie de la vie. Et le corps naît jeune, mais il vieillit. Voilà sa tragédie. » (Une femme sans importance)
Heureusement que sur le pont les jeunes moussaillons ça manque pas et en plus dans le tas y a pas que des cons.
« Qu’il est absurde de parler de l’ignorance de la jeunesse ! Les seules personnes dont j’écoute aujourd’hui les opinions avec respect sont des personnes beaucoup plus jeunes que moi. J’ai l’impression qu’elles me précèdent. » (Le portrait de Dorian Gray)
Conclusion ? Il faut imaginer Sisyphe heureux, et Noé sans rides (et femme pourquoi pas) (soyons fous).
Là, on oublie la coquetterie pirouetteuse du dandy, merci, AB, de cet aggiornamento pertinent… en plus il n’y a pas que l’économie, l’écologie, et les dinosaures, il y a la beauté, sous toutes ses propositions, et toutes les rencontres, dans leurs brèves ou longues durée…et les aphorismes de cet article et ta glose collent aussi pour ça…et qui sait, là, peut-être, Sisyphe est plus vite heureux, Noé est androgyne et gynékandre, marieur de bêtes et marin de vin doux…C’est de douce folie qu’il s’agit, non?
Oui la beauté. Ce que tu dis me fait penser à cette belle formule de Char : « Dans nos ténèbres il n’y a pas une place pour la beauté, toute la place est pour la beauté ».
« durées », aïe, écrire sans relire, mal du siècle…