S’il vous prend l’envie de héler Spinoza, vous avez le choix entre trois prénoms. En fait le même sous trois formes. Bento (portugais), Baruch (hébreu), Benedictus (latin), c’est à dire « béni ».
La biographie de Colerus commence sur la question de ce prénom (pas anodin il est vrai). « Spinosa ce philosophe, dont le nom fait tant de bruit dans le monde, était Juif d’origine. Ses parents, peu de temps après sa naissance, le nommèrent Baruch. Mais ayant dans la suite abandonné le judaïsme, il changea lui-même son nom, & se donna celui de Benoît dans ses écrits & lettres qu’il signa. »
Il changea lui-même son nom. Son prénom plutôt, sa marque individuelle, mais sans pour autant s’extraire du cadre de sa lignée. D’ailleurs son patronyme avait tout pour lui convenir (latin spinosus = épineux d’où pointu d’où au figuré subtil).
À l’inverse de changements plus étudiés (Labrunie devenant de Nerval, Crayencour se faisant Yourcenar, Smet Hallyday yeah, & autres illustres auteurs), de Baruch à Benoît ce n’est qu’une traduction. (Colerus traduit Benedictus pour des lecteurs français).
Au-delà de l’abandon du judaïsme (en réalité c’est sa communauté locale qui l’a rejeté on verra ça à H), ce choix signe son indifférence à toute appartenance autre que la seule qui valait pour lui : la participation à la République des idées.
Les citoyens en étaient des savants et penseurs de toute l’Europe, et la langue un latin globish (si j’ose l’anachronisme), permettant à tous de se comprendre. Dans ce contexte il était logique de latiniser son nom, et il n’était pas le seul à le faire.
Pour conclure sur ce point, on verra que Baruch Bento Benedictus ne fut pas un béni oui-oui. Bien au contraire c’était un vrai rebelle. Mais à sa façon, la façon douce.
Vraiment passionnant cette série que tu nous livres au compte-gouttes certes mais à bonne vitesse pour nous alimenter….sans nous rassasier. Dans la meilleure tradition des bon vieux feuilletons d’antan…
Et pourquoi pas un opus sur ce réconfortant Baruch? J’aime bien, mieux même ce prénom de Baruch moi….
Baruch Adonai, béni soit le Seigneur, répète la liturgie juive : oui la traduction par L’épineux de ce qui lui reconnaît identité lui a donc permis d’élargir l’action de grâce qui bénit la vie donnée par une transcendance au sein d’une communauté, à l’action de grâce qui révère la transcendance horizontale (pardon pour l’oxymore) inter-humaine et oserais-je dire, eu égard à notre modestie en cours de réapprentissage, internaturelle.
Béni soit aussi le verbe humain qui cherche la lumière via l’alphabet même, sans que la kabbale s’en mêle.
Merci pour ce commentaire inspiré et inspirant. Comme le montrera la suite du parcours, Baruch (oui ce nom lui va si bien) se place en effet dans l’horizontal et l’inter-humain. Et cela sur un mode qui lui est vraiment personnel, où la distinction immanence/transcendance est littéralement insignifiante, ainsi que je tenterai de le montrer dans la suite (surtout à C, D et N) (suspense …)
Oui moi aussi je choisis Baruch. Quant au mode compte-gouttes, je pense qu’il fera la preuve de sa pertinence quand les chose se complexifieront (légèrement, bien sûr …°
Euh je me suis mal débrouillée avec les flèches : ceci est une réponse pour toi, Sophie !