– ce fut un sec et inattendu « poc ». il avait levé les yeux de son ouvrage et s’était figé, le temps de laisser résonner peut-être le mystère, puis s’était levé, dirigé vers le bruit, tiré par l’aimant d’un pressentiment sourd et ténu. arrivé devant la porte vitrée il n’avait d’abord rien vu, avait pensé à une branche sur le toit, une noix sur la table de formica restée dehors et qui pourrissait, une grosse noix, ici où ne poussent pas de noyers, trois platanes mais au bout du jardin, vers l’eau, géants mais ne faisant d’ombre à rien, pas la maison, pas lui, pas le bruit. puis baissant les yeux il avait aperçu l’oiseau. sur la grille qui servait à la boue, la racler, la laisser hors. l’animal était étendu sur le dos, et son bec s’ouvrait. tout de suite se refermait. s’ouvrait. se refermait. comme si l’oiseau avait voulu livrer de dernières et douces paroles. mais lui était derrière la vitre, fermée, et sur laquelle il avait fini par discerner une discrète tache de sang. il n’avait pas ouvert la porte, pas immédiatement. pourquoi l’aurait-il fait : les oiseaux ne parlent pas. ni aux arbres, ni aux hommes, ni entre eux et c’est de là peut-être, s’était-il mis à penser, que les oiseaux arrivent toujours après la guerre. donc il n’avait pas ouvert mais dans l’instant de la tâche de sang, du bec orangé qui s’ouvrait en appels silencieux il s’était retourné et précipité vers la cuisine, il avait rempli un petit verre, et tout en laissant couler l’eau il s’était dit c’est stupide. puis il était revenu à la porte et s’était figé à nouveau. le bec ne bougeait plus. alors il avait pensé à cette chanson de celui-là, qui parlait de la mort d’un oiseau, et d’un cœur tourné, et quelques larmes étaient venues au jour. pour l’oiseau. parce qu’il avait la conviction, aussi, que l’oiseau avait attendu qu’il tourne le dos pour mourir. pour lui éviter le spectacle de son dernier souffle. et lui se tenait derrière la vitre, et dans la main un verre d’eau pour rien. et quelques gouttes de plus. enfin il avait résolu de ramasser l’oiseau, et espérant encore puisqu’on dit que ceux-ci savent bien faire semblant de mourir, pour ne pas le laisser sur la grille et la boue, il l’avait déposé au pied de l’arbousier, parmi les feuilles mortes dont il lui avait fait tombeau. demain, s’était-il dit, peut-être se sera-t-il envolé. –
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– un soir dans une librairie où la chaleur de l’accueil se mêlait à celle de l’automne débutant, il discutait avec certains qui étaient venus écouter, à son invitation, les mots d’un poète de la boue et des pluies, amoureux des villes du nord, ami des chèvres et des fruits. au hasard des mots échangés, était apparu que l’homme qui se tenait en face de lui avait fait sa profession de planter des poteaux. lui était venu à l’esprit celui qui plantait des arbres et qui semblait plus noble, mais l’histoire de cet homme qui devant lui grignotait des pistaches l’avait touché plus encore qu’aucun livre. « j’installe des poteaux électriques. il faut voir les yeux de ceux, isolés, qui me voient arriver dans leur village ». il n’en avait pas douté, et souriant il avait dit à l’homme que probablement il laissait un peu de lui dans chaque lieu-dit reculé du territoire, et que la trace qu’il y déposait restait car elle était le signe d’une ouverture au-delà des frontières du village. un lien porté des uns aux autres. l’homme avait souri. en doutait-il ? –
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© photo de Franck Cone, pexels