Pour une vraie vie de chien

(extraits)

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savoir s’entourer de ses sœurs
et d’abord de celles dont les traits lui sont étranges

savoir accueillir l’abeille égarée l’araignée
et protéger du soleil les souris des champs

savoir accorder au dru duvet de son échine
la blanche fleur de son front

vivre résolument opiniâtrement pousser
là où l’on peut pousser à vie partout pousser

— telle est la sagesse de l’herbe folle

***

Laudes au Jura

1

montent les psaumes de sauterelles
commes venus des hautes herbes

et nous on se déveille très tard
et pourtant on matinne très tôt

pour entendre prier l’oiseau
tout frais le jour

2

c’est du bon silence ici on peut presque
l’étaler en fine couche sur sa tartine

— quiconque renversa le matin sur la table
en a mis plein sur mon assiette et mon café

3

les cloches autour du cou
sonnent pour les laudes

fêtent la communion
des vaches
et pissenlits en fleur

comme si le soleil s’était fracassé
dans sa descente du Mont d’Or

— éclats sur vert du jaune du jour

4

printemps et tant de calme à paître

ce coléoptère vert et rouge admire
dimanche montant sur mon épaule

on attend qu’au loin les meules
de foin bêlent au matin

rien n’urge rien ne se presse
comme ailleurs pour mourir

— sauf peut-être les sapins
qui fumaient de luxure

5

dimanche matin pourtant
aucun appel d’aucune chapelle

si ce n’est des laitières
prenant leur petit-déjeuner

en entendant le champ en attendant le chant

— je paix avec elles

Doubs, à la pentecôte 2023

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Jeux de branche

Il me prend souvent de tenir mes mots et de les jeter très loin — là-vers — dans la forêt — et il me tient à voix d’aller derrière elles histoire de tenir parole — ça me prend au cœur — et puis c’est très bon pour la santé — ça fortifie la main ça relance le cœur ça met le monde en bouche

Alors j’y vais — courir derrière traverser et oui trébucher rebrousser tituber — prendre son souffle en perdant son souffle pour se reposer ensuite de son échec sur des joies insoupçonnés — des réseaux de fourmilières — de joyaux à six pattes qui se promènent — un cailloux frileux et le voir pourtant s’empêtrer là — sous son drôle d’édredon vert et mousseux

Et puis on y trouve aussi d’autres chiens égarés d’aveugles prophètes et promeneurs d’autres siècles et forêts venus — on s’y reconnaît autre — et on repart autant décoiffées que débroussaillés

Et entre les ronces — on en prend de la graine aussi — l’ayant pris par la main par la bouche on se dit — cette branche n’est pas à moi n’est pas à toi — c’est une forêt ce n’est rien si ce n’était — par ces jets et retours par la bouche

Cette branche ce jeu de branches ne respire pas comme l’arbre mais

— comme elle fait respirer

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