Soulèvement
Musique et haleine
Un ensemble de 28 poèmes et fragments
La langue des poèmes et fragments composant SOULEVEMENT est une langue empreinte d’une grande attirance pour les dégradés, les ombres, la lumière presque éteinte, et parfois incandescente.
Les perceptions sont extrêmement cartographiées, aussi une conscience forte du temps, une langue du temps.
l’Etre, si présent dans ces poèmes (en tant que l’Etre dans le monde), si souvent traversé par des temporalités, se met en route, saisi par l’intransigeance, avec la lucidité des demi-pas, vers un relatif connu et inconnu. Eclat, élan, poussée, révélation, instabilité, suspension, entre l’explosion et la lenteur.
Un système d’interrogations, une description minutieuse de la pensée, qui devient visible, observation de l’infime, observation recommencée du désir en tant que désir, indices souvent amusés de l’indicible.
Une pensée délibérante et concertée, une voix-écriture entre la limite et l’infini.
La pensée et la langue en reflet dans les objets dans les phénomènes, dans la lumière sans cesse revendiquée, dans le mouvement d’approche, et cette pensée surgit souvent pour un projet bref, sans dispersion.
Une télépathie visuelle et temporelle, un parti pris ni objectif ni subjectif ni documentaire ni franchement narratif, mais l’écriture de ce qui traverse, de ce qui est traversé, la pesée de cela, une sensualité de cette pesée.
Et.
Le poème ou le fragment. Le poème.
Le poème est un tremblement, une énergie, une utopie, une haleine, signes en jeux, présences croisées, sentiment surnaturel, superpositions tonales. Peu de sujet plutôt des lieux des situations des intensités, souvent des gestes pleins ou entiers ou ténus.
Et.
L’éminence de la forêt
…l’odeur des arbres lourds subjugue
………………………………………………….l’animal rusé s’engouffre dans les bois mélangeurs de son vitaux
……………– près de la forêt puissante, j’entends
………………………………………………………………………que la forêt reste immobile son obsession/
Le commentaire nocturne.
……le chemin est si sombre, cendré
……………………………………..j’ai aimé à la folie toutes ces visions d’étoiles comment j’ai pu les approcher
Le lieu de l’écho, le pan.
Une langue abstraite, de la sensation, de la chose vue ou perçue ou désirée, l’écriture essaie de saisir la mouvance du monde des éléments des énergies des désirs, et cette mouvance ne peut être que fascinante.
Attirance – presque assujettie – pour les paysages, leur matière, leur tracé, objets d’infini et de dédoublement, souvent un délice de paysage, abstrait toujours, toujours investi d’une manière partielle, ou bien un de ses pans est extrait momentanément pour le poème. En face des paysages ou à l’intérieur de ceux-ci : le désir des visages le désir des corps le désir d’une expérience.
le vent y souffle de très loin …………..dans l’herbe très haute pratiquait l’accoladele ……………………………………………………… promeneur grignote l’iris filiforme bleu
…………….Il se palpe, si frais si humide, le vent le déforme, les bras si fins
…………………………………………………………………..le moment de vie dans l’espace
…………………………………………………………………...ressources entremêlées contraste crispation suspens,
Le mot la langue la forme : un espace acéré de rencontre ouvert à la transformation à la fragmentation à la prise créatrice.
la colonie posée en échos
CAQUETAGE
quelque chose de saillant
CAQUETAGE
Le moment de la traversée pour le héros ou l’héroïne (fréquemment éthéré) : le moment brumeux (un topos de ces poèmes) ou bien la prise de conscience, ou bien la mise en disparition, en effacement, toutes ces modalités sont en lice pour accompagner cette langue du soulèvement.
Les poèmes recensent intensément la présence, son étrangeté sa brutalité son imprévisibilité sa volatilité sa véracité.
….il jaillit de l’ombre humide
…………………………………………………………………………………………vire solitaire et flou
paradoxalement hors d’haleine Spectre de Palmer
……………………au fil des apparitions éphémères sans accessoires ni mine particulière l’air a déjà changé
Dans une exploration ou une immobilité grâce à ce langage déchiffrons le poème.
Le lieu neuf favorise terriblement
……………………………………………………………………..en entendant ces choses…. une à une…. arriver
Du répit pour l’œil dans le poème : l’espace blanc, mais il n’est pas neutre. Et planer.
Planer au-dessus du sens, mais le poème ne le perd jamais de vue.
Planer dans l’espace du poème et un peu au delà (un fort hors-champ), il autorise cela. Le poème ou le fragment.
Le fragment.
Le fragment forme d’exercice de la pensée, la forme fragmentaire ne résulte pas du hasard, le fragment transforme une pensée chercheuse en force d’apparition.
Le fragment est source d’une joie immense. Une manière paradoxale : l’infini est potentiellement présent dans le fragment, il est lieu d’invention et de représentation, vision du monde et aire de passage, aire aussi d’action du langage, tout y prend corps, s’y raffine.
Le fragment enveloppe temporairement une cohérence de la pensée, de la durée, quelque chose y résiste, la langue n’a pas le temps de s’y épuiser, ne s’y délave pas, peut commencer à y disparaître.
La relation entre tous les éléments est d’abord poétique.
Cette langue commence au bord à la marge et y retourne.
…………………………………………………………………………….les mots rendus à l’abandon spéculent l’ineffable
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Marie Duarte www.ateliertranslucide.com