Nous ferons histoire :
écrire sur la manif’ pour tous et les adolescent.e.s LGBTQIA+
.
Extrait 1
Au lycée, aujourd’hui, en cours d’anglais , notre prof a proposé un débat
“Pour vous réveiller un peu” a-t-elle dit
“To wake you up”
Il est certain qu’en termes d’éveil, on a vu mieux qu’une classe de seconde au retour des vacances de printemps,
remplie à ras-bord de chocolat,
regardant, songeur,
le soleil de la cour
les possibilités
éternelles
des vacances d’été
“You’ll make groups of four. Half of you are going to be for “marriage for everyone”, half of you are against. Come on !”
Grincement des chaises, des élèves qui se lèvent, se rassemblent, rapprochent les bureaux, amusement dans les voix ravies de s’ennuyer moins que prévu.
Tandis que je m’approche de Jeanne et Lola, soudain que je réalise,
(pensant à Mouna et Anne
serrées l’une contre l’autre
les mains jointes
et les rideaux fermés)
Je réalise que tout ceci
“pour” ou “contre”
est un jeu pour les autres
un sujet à la mode
sur lequel
chacun peur se permettre de débattre, décortiquer
comme si ça n’était pas nos vies
qu’ils écartelaient
Extrait 2
Voilà,
Connaître vos enfants
est un cadeau
un don
qu’ils vous font
que je vous ai fait
Si vous le piétinez,
si vous le refusez,
vous en perdez le droit
pour toujours
Comment pouvez-vous
exiger
de vos enfants
d’être neufs,
intacts
façonnés
à votre image ?
Connaître ses enfants
n’est pas un dû
c’est un privilège
que vous avez perdu
Moi, je serai
toujours
Yoko
yeux bruns
ongles bleu, rouge, vert
amoureuse
perdante
gagnante
Mais surtout
je serai entière
et vous
vous ne me connaîtrez jamais
Extrait 3
Papa m’a dit
Maman m’a dit
qu’ils m’aimaient
(Bien sûr qu’on t’aime, ma puce)
et qu’ils allaient m’aider
qu’ils allaient me soigner.
Y a-t-il quelque chose à soigner chez moi ?
Alors, ils ont pris rendez-vous
chez un homme
“psychologue” écrit sur la plaque cuivre.
Assis sur le canapé bleu
Ils ont raconté, moi, Yoko, le concert, les drapeaux roses et bleu des manifestations,
leur petite fille (suis-je si petite encore ?) “malade de cette époque”.
Alors, l’homme brun assis en face, cahier blanc sur les genoux et jean foncé leur a demandé de sortir.
J’attends.
J’attends.
Comment faire disparaître Yoko de moi ?
Comment sauver Yoko en moi, la garder cachée, comme un oiseau blessé, dans un recoin de mon cœur ?
Il me regarde
et il me dit
Tu n’es pas malade
Tu n’es pas folle
et tu n’es pas sale ou abîmée
Il n’y a rien chez toi qui ai besoin d’être changé
et surtout pas l’amour qui grandit, jaillit de toi.
.
(Si vous souhaitez être tenu.e.s au courant de l’évolution de ce livre et de mes travaux d’écriture en général, vous pouvez suivre mon compte instagram : marine.peyrard)