Bourru mais faussement, plutôt bonhomme au fond, voilà le « p’tit Prige » (Une phrase pour sa maman enfournée chez Paul il y a un quart de siècle, ça ne rajeunit personne) : il s’assied sur sa chaise en plastique, regarde à peine les gens qui lui font face – le « public », lui souffle-t-on mais il n’a pas l’air d’avoir compris, semble surtout désolé d’avoir contraint tout ce beau monde à se lever de bonne heure, la onzième du onze septembre, c’était pourtant le moment parfait pour sortir de chez soi, la mer était belle ce matin-là derrière le Vieux-Port mais je suis sûr que Christian Prigent ne la voyait pas, Chino à la plage peut attendre, Chino à Marseille n’est pas encore dans le planning éditorial, pour l’instant l’énergumène qui trotte dans la tête de Christian Prigent c’est un Chino de jardin, celui dont il nous lit des bouts sur sa chaise en plastique, passionné et presque gêné de l’être – d’être dans son histoire, son écriture, d’être dans son jardin avec ses livres qui sont davantage une porte qu’un monument (pas toujours comme ça, les livres), une vieille porte au fond d’un jardin où Christian Prigent a posé sa chaise peut-être pas en plastique pour y écrire, il écrit dans le jardin, il écrit le jardin, le dit avec ses mains autant qu’avec sa bouche, comme Manon (c’est-à-dire Christophe) mais pas tout à fait, avec tout son corps il lit, il est dans son texte et dans son jardin en même temps, il est avec nous et dans son texte en même temps, il est dans le point d’harmonie musicale où son texte-jardin nous rencontre – un léger vent souffle près de la haie du fond et ébouriffe les cheveux du public : c’est le bateau de Prigent le Breton qui accoste à Marseille.
PS : as-tu lu Partance de Goffette, Christian ? C’est un livre de Guy : comme toi, il aime les rectangles verts qui se cachent derrière les maisons et qu’on peut voir sur Maps en satellite, ou la nuit quand on rêve.
Ce texte est le deuxième de la série « Des poètes au micro », après celui sur Liliane Giraudon et Nathalie Quintane.
Jolie phrase avec un beau souffle, de la tendresse, et des détails saisis sur le vif. Le « p’tit Prige » est en commande. 🙂