André Thabaraud est le fondateur et le maître d’œuvre des éditions La Regondie près de Limoges, qui publie exclusivement des livres d’artiste. Le dernier, paru en novembre 2021, est intitulé Brouillards. Il associe le poète Christian Viguié, prix Mallarmé 2021, et la plasticienne Catherine Aerts-Wattiez.
D’abord, j’ai étudié à l’école des beaux-arts de Limoges, où je me suis spécialisé en gravure. A la sortie, je me suis fait recruter par l’entreprise Bontemps qui faisait de la photogravure. Nous travaillions pour des entreprises commerciales, mais pas seulement. L’un de nos clients était une équipe d’archéologues qui nous adressaient des photographies de pièces archéologiques en vue de livres ou d’affiches. Nous produisions les plaques offset destinées à l’impression dans une entreprise d’imprimerie.
Au bout de quelques années, j’ai eu l’occasion de travailler pour Lucien Souny, un éditeur qui était alors aussi un libraire. Ce travail m’a passionné. J’allais chez l’écrivain, je parlais avec lui, puis je photographiais des sujets afin d’illustrer le livre (des objets, des lieux, des monuments etc.) Ensuite, je créais la couverture, je mettais en forme le livre et je faisais toute la photogravure dans l’atelier que nous avions danse la maison d’édition. Enfin je l’apportais à l’imprimeur qui lui donnait une réalité que nous pouvions mettre sur le marché. C’est là que j’ai appris le métier d’éditeur. C’était passionnant. Après quelques années, j’ai quitté la maison Lucien Souny pour entrer en tant que photographe dans une entreprise de photogravure, la maison Flexocolor, qui est aujourd’hui un acteur majeur dans le monde commercial.
J’ai créé les éditions La Regondie en 1999 et j’ai mené de front mon activité en entreprise et pour les éditions de La Regondie. Mon travail avec Lucien Souny m’avait beaucoup plu et j’y avais acquis un savoir-faire qui m’a conduit à penser que je pourrais éventuellement créer ma propre maison d’édition. En fait, l’idée s’est concrétisée au cours de discussions avec ma fille. J’avais fait quelques dessins en vue de les graver. On y voyait un marin dans la mer qui rencontrait une baleine, puis des sirènes. Ces dessins ont inspiré ma fille qui a écrit une histoire, et cette dernière m’a conduit à composer d’autres dessins parce qu’en se développant l’histoire allait au-delà des dessins initiaux. Et puisque j’avais envie de faire des livres, nous avons décidé que ce serait mon premier livre. Il s’intitulait A la Baleine.
Pour continuer, je me suis adressé à mes camarades des l’école des Beaux-Arts et lorsque l’un était d’accord je cherchais un poète dont les textes pourraient s’accorder avec son trait et ses couleurs, avec son style. Je suis moi-même artiste, mon environnement était donc principalement constitué de plasticiens , mais je fréquentais les festivals de poésie comme celui de Rodez, qui m’ont permis de connaître nombre de poètes, tels Jacques Ancet, Mickael Gluck ou Jean-Luc Parant. Avec ce dernier j’ai fait deux livres et chaque fois il a apporté le texte et les dessins.
Parmi les livres que j’ai réalisés, j’ai une affection particulière pour celui que j’ai fait pour et avec René Depestres, écrivain natif de Haïti, qui s’est installé dans l’Aude en 1980. Depestre l’a intitulé Le merveilleux haïtien. Ce livre était une commande de la Bibliothèque Francophone Multimédia de Limoges, la BFM. J’ai rencontré René Depestre, qui avait alors quatre-vingt-dix ans. Nous avons opté pour une reliure en porcelaine. Elle a été conçue par Jean-François Demeure. Les plats et le dos étaient faits d’une porcelaine marouflée sur une couverture de carton toilé. Ce livre avait une particularité : l’articulation des plats au dos du livre était suffisamment souple et forte pour qu’on puisse les faire bouger comme si le livre était un papillon battant des ailes. Cela plaisait beaucoup à René Depestre. Jean-François Demeure, qui a dessiné cette couverture, l’a ornée de petites formes qui représentent les cocons d’où naîtront de futurs papillons.
J’avais envie de faire un livre en porcelaine depuis longtemps. Il faut dire que mon grand-père était décorateur en porcelaine et une partie de mon enfance s’est passée au milieu d’objets en porcelaine. Pour obtenir les parties en porcelaine, je me suis adressé au porcelainier Mérigous qui fabrique des objets utilitaires, des poignées de porte par exemple, dont il est le spécialiste en France. Mon projet lui a tout de suite plu. Mesurant 24 cm de hauteur sur 27 cm de largeur, le livre n’était pas très grand, mais il pesait tout de même deux kilos.
Et en ce moment, André ?
Je travaille à une couverture en verre à inclusions avec un maître verrier. Il y aura même de la musique. Mais je ne veux pas en dire plus pour l’instant…
Quelle discrétion, André ! Alors, nous en reparlerons le moment venu…
Beau parcours, et beaux objets d’artiste et d’artisan, l’articulation de la belle ouvrage, légère comme papillon…même si 2 kgs c’est lourd pour le sac ou l’étagère…mais c’est bien d’autre chose qu’il s’agit ! Bravo!