Hyènes possède une ouverture magistrale, des éléphants envahissent l’écran et la musique les grandit, toute humanité exclue.

Humanité grouillante, explosée de couleurs, vêtements des femmes fleuris, pagnes plus ternes des hommes, surtout les pauvres.

Hiératisme pasolinien dans le désert, foules compactes et déterminées, hommes ne se déplaçant et ne vivant qu’en groupes, happés par le groupe/village.

Hiératisme moqué aussi, dérisoire, situations rocambolesques, parodies de civilisation apportées par les Blancs (en français dans le texte, on s’abreuve de « Monsieur le maire » ridicules).

Beauté, beauté-catastrophe de l’Afrique, rattrapée par l’Europe, la richesse, le colonialisme. Rattrapée par les objets de la consommation galopante où les femmes s‘endettent pour des frigos des télés et des ventilateurs (on jette les éventails pour s’aliéner à l’électricité)

Beauté des femmes surtout, de l’humour des femmes achetant à crédit chez l’épicier, ne faisant qu’exacerber le modèle occidental importé, jouant de la consommation.

Justice ou revanche ?

Une femme enceinte bannie de son village devient prostituée, s’enrichit et y revient demandant à acheter le tribunal pour réhabiliter son nom, et forcer le jugement à se dénier.

Sorcière ou figure féministe de la réhabilitation des corps soumis des femmes noires ? L’homme menteur sera tué par le groupe, juste le groupe qui l’entoure à l’en étouffer, on ne voit rien, le groupe s’éloigne et un tissu noir écrasé sur le sol, comme un oiseau aux ailes enfoncés, démantibulés. Ni sang ni violence, juste un jugement qui passe.

La femme vieillie et enlaidie a des domestiques et s’établit en bord de mer, les vagues de l’océan déplie sa vengeance lente, endettant les habitants et amenant le progrès (grandes roues, feux d’artifice, artificialisation de l’Afrique, vulgarité aux couleurs criardes, frigos magnifiques, cigares et compagnies).

Les hyènes sont en fait les humains, montage parallèle métaphorique lancinant.

Un hibou de nuit suit les péripéties humaines.

Vitalité des femmes, ridicule des hommes engoncés dans leurs attributs de conseillers municipaux, pauvreté (un mendiant environné de déchets multicolores dans un coin, plus fier et hiératique que toutes les misères occidentales, dans la couleur). Costumes rutilants de couleurs et misères réunies.

Djibril Diop Mambéty de son seul nom éclabousse chants et danses dans le désert, quand on raconte une histoire une danseuse habillée de rouge se roule par terre dans le désert, et les chants s’élèvent dans le café épicerie aux tables pauvres, les hommes chantent et dansent et nous regardent, avec leurs gestes élégants, leurs visages travaillés de rides et de soleil, quelque chose survit aux civilisations blanches des frigos et télés, un art de conter, une vieille femme toute en prothèses que la vie et les hommes ont amochée, une civilisation patriarcale où les femmes se rendent justice elles-mêmes avec le pouvoir de l’argent, les tractopelles surgissent en même temps que le féminisme, nul ne saurait choisir.

 

A propos de Hyènes, Djibril Diop Mambéty, 1992.

Un Commentaire

  • Laure-Anne dit :

    Intéressant …et ambigu…
    mais je ne peux m’empêcher d’être très dérangée par les scènes de lynchage esthétisée, ou comment naissent les mythes…
    j’aurai préféré un vrai tribunal en effet!

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