et l’enfant
et la peinture-boue blanche sur sa peau noire
sur ventre et bras droit des stries comme des blessures
couleur de la terre blanche
ou de l’art structuré comme les traces que sont les
photos
qui osent la manifestation frontale des réels noirs
ce sérieux devant l’objectif
il offre son ventre sous le pagne noué rouge
une jeune femme noire élancée semble se diriger
vers l’homme blanc léger
la photo n’attrape que du réel explosif
l’enfant nous accuse et la peinture blanche
dessine les côtes d’une cage thoracique imaginaire
(mais qu’est-on en droit d’imaginer devant tant de
réel)
et que tient-il dans sa main droite
un maraca une calebasse le monde fait musique
(l’enfant serait droitier, pour cela que seul le bras
gauche a été peint
par le bras droit, et le ventre,
et pas de ciel sur la photo, que de la terre et de
l’homme)
a-t-on le droit
qui le touriste regarde-t-il
* * *
il faut risquer l’estrangement. les grimaces d’une
conversation où les mots s’échouent au creux de
l’oreille. mais les gestes. mais l’hospitalité. et soudain
dans le pays lointain : retrouver le prochain.
y croire du moins.
dévoiler ces paysages mutiques. délivrer ces corps
mythiques. les statues de chair s’animent. figées en
leur prison kodachrome mais rendues à leur image
humaine. ou à sa comédie. comment faire la différence
entre des bouches reprenant forme pour chanter et
celles creusées par la faim ?
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« Je ne suis jamais allée au Cameroun » – Moi non plus ; pas plus qu’au Soudan, en Israël ou en Égypte. Et pas plus que je ne connais Anne Barbusse, ni Louis Ausquichoury. Pourtant, dans l’histoire que je me raconte, je les connais, ces êtres, ces peuples, ces terres, parce que je crois les voir et les lire.
Extrait de l’Avant-voir de David Paigneau
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