film-poème c’est cela
on marche toujours au bord de la folie de quelqu’un d’autre
et/ou sur le toit d’un immeuble
un travelling suit la marche de l’acteur-adolescent un travelling
en arrière-plan des Américains pauvres qui saluent l’acteur
et le Noir raconte une histoire au saxo imaginaire
tandis que notre héros danse sur le vinyle à en tomber
une histoire juste une histoire
dit la voix off du début
un moment de vie d’un point A à un point B
quelque chose dans l’espace donc du visuel du cinéma
à l‘asile les nurses soignent la vieille mère folle et les vétérans du Vietnam aux visages très jeunes
l’autre folle dans le deuxième lit qui rit nerveusement
tout est à recommencer
des avions comme des bombardements imminents
une grande bâtisse industrielle et les ruines
et les ruines des visages instinctifs
la copine part
il fait sa valise il part
en long travelling arrière final Manhattan
dans le coin gauche toutes blanches les Twin Towers
1980
on n’en pas encore fini avec les décombres
partir à Paris-Babylone en bateau
un autre migrant vient d’arriver costume blanc valise de carton
le sillage de l’écume devant Manhattan à reculons Manhattan
tout va s’effondrer encore
après les Viets et les anonymes et les saxophonistes miraculeux
la musique éblouie
les décombres et les ruines
l’adolescence déjà ruinée
en a assez de Lautréamont et des ruines
une autre Amérique
générique de début en plans alternés
avenues de foule au ralenti tellement de figurants avenues désertes de quartiers très pauvres (aucune boutique aucune voiture juste des papiers sales à terre et le vent)
une longue voiture noire volée vendue 800 dollars
la femme blanche s’offusque et la femme noire rigole
une autre Amérique
un autre film dans les décombres
Manhattan prêt
à s’effondrer devant
l’océan rutilant pour cause de
vagues permanentes (dépression vacuité vanité ennui spleen et tutti quanti) une autre
Amérique
juste poser la caméra sur le monde juste le saxo
et le travelling sur le monde pauvre juste
les ruines et les musiques pluriethniques (une femme latino
échevelée hurlante sur un escalier métallique dans
les décombres du cinéma américain)
My name is Aloysius Christopher Parker
loser indéterminé ou dreamer mythique
Charlie Parker n’est pas loin juste
les rêves s’effondrent avec les eighties balbutiantes
des pièces moitié vides des plâtres qui s’effritent
toute la misère de New York à l’état brut
caméra wandering sur les mondes désabusés
voix off illusionnée d’elle-même
des strangers sans conséquence
une humanité dérisoire ou noire
plane la musique
et l’Amérique
le cinéma et l’Amérique
The savage innocents et des filles inuits tuées à la naissance
une poésie inconséquente filme le monde musical
tout dérive
le film-poème déplie la ville
sans intrigue ou presque avec les images
la beauté pauvre de la ville vidée
la beauté documentaire de l’Amérique
(acteurs et personnages ont mêmes prénoms)
puis Manhattan comme une image
du cinéma perdu
(pas plus de deux personnages à la fois dans le plan)
succession déroutée de séquences
ville dévidée
à l’envers filmée
A propos de Permanent vacation, Jim Jarmusch, 1980.