Pour en finir avec le confinement?
Va-t-on en finir avec le confinement, vraiment ? J’ai de peine à le croire mais il se trouve que nous arrivons à la fin de ce premier cycle de saisons sur les chroniques de jazz, ces éclats vifs, coups de coeur des jazzs que j’aime qui vont des premiers temps, à l’orée du XXème siècle, aux productions contemporaines de ce XXIème siècle peu « spirituel » et plutôt agité!
Aussi ai-je pensé à un quartet, celui du batteur Christophe Marguet qui n’a pas anticipé l’arrivée de la Covid 19, mais réfléchi avec gravité sur ce monde fou fou fou dans lequel nous vivons. Et dressé un bilan de son parcours, évolution, sa vie….
« Happy hours », vous connaissez? C’étaient les heures joyeuses, de détente, de retrouvailles entre amis après le travail, aux terrasses des cafés parisiens ou autres. Pour le batteur, cela va plus beaucoup plus loin. Une certaine idée de l’existence, de ce qui nous (a) rend(u) heureux et qui nous donne à espérer. Il conduit fermement son équipage et, en douze pièces construites soigneusement, en respectant la cohérence des morceaux, donne à entendre une musique généreuse, expansionniste, d’autant plus remarquable que personne dans son quartet ne prend le pouvoir. La bande des quatre évolue sur des terres musicales partagées, avec des références fortes sur lesquelles ils ont construit leur propre édifice musical. S’il y a belle lurette qu’ils ont brisé les codes, ils restent dans l’idiome jazz cependant, de part l’instrumentation (piano, batterie, contrebasse, trompette et bugle) et la trame des compositions du batteur leader. Une rythmique éblouissante avec un Marguet précis et détonant, parfois furieux, soutenue par Hélène Labarrière dont il apprécie depuis longtemps la personnalité affirmée ! Le seul musicien nouveau venu est le pianiste Julien Touéry qui a su s’intégrer et se fondre dans le collectif, ce qui n’est pas une mince affaire. “Happy Hours”? C’est du sérieux, une référence à Don Cherry, à sa joie de vivre et de jouer, avec le sens de la fête africaine. Autre époque également…
“Haute fidélité“, autre jeu de mots-hommage au batteur Paul Motian que Marguet écoute depuis l’adolescence. “ Un tunnel qui se développe, quelque chose de gris”. Tous les quatre travaillent de concert sur la texture, la matière des sons, le mélanges de timbres…. Mention très spéciale au trompettiste/ bugliste Yoan Loustalot, si proche de la voix humaine, qui, même s’il nous propulse très haut, a le souci de jouer avec et dans l’orchestre. Frémissant, nerveux, toujours lyrique, il passe au-dessus, variant ses phrasés, pointus, explosifs, ou plus sensuels et rêveurs. Souffle, précision, sensibilité, que lui manque-t-il? Il stratosphérise sans jamais s’alanguir puis, tel un bourdon énervé, grésille sur ce “Happy Hours” éponyme qui est tout sauf serein, immédiatement suivi par un “Trop tard? ”, référence grave au photographe brésilien Sébastien Salgado dans le documentaire de Wim Wenders sur Le sel de la terre.
Voilà donc un projet qui me plaît pour en finir provisoirement avec cette série jazz , de la “résistance poétique” et…politique ! Prenez garde!
Oui : à fond pour l’alliance de la poésie, de la politique, et de la musique.
Et on va donc attendre maintenant la prochaine série …
Tout à fait, nous attendons ! 🙂
Ce que je trouve intéressant dans le jazz, c’est cette réactivation permanente de la mémoire,
par exemple, à travers les standards, comme le fait remarquer Romain Villet dans son livre My heart belongs to Oscar.
Et peut-être pourrions-nous aussi parler cinéma.