….S3 – Rummelsburg bei Berlin
Une bière
dans une main.
Une bouteille de lait
dans l’autre.
Ses yeux tombent sur son visage
et le mur rattrape son corps
à chaque instant.
Il retrouve sans cesse
des fragments d’équilibres
pour alterner
entre la bière et le lait.
….S1 – Waidmannslust
Je l’observe depuis mon siège
vieil homme
dans un escalier de béton.
Il descend une marche
fait toute sa longueur
descend la prochaine
marche dans l’autre sens
en remonte une
refait la longueur
puis redescend
marche de nouveau
ne se fatigue jamais.
l’Allemagne, des fois
me fait pitié.
….U9 – Osloer Straße / Les Pléiades
Ils sont tous deux assis
sur les bancs en métal grillagé
de la station.
Le père conte à sa fille
une légende sibérienne,
comme s’il l’avait vécue.
Il retrace
une course dans la neige folle
l’escalade dans l’arbre qui touche aux étoiles,
chuchote le nom des Pléiades.
La petite fille rattrape le mot
demande le nombre de ses astres,
la vitesse de leur trajectoire.
L’homme précise,
cartographie le ciel et les vents polaires
expose la fuite de l’amas étoilé,
leur élan continu hors de la Ceinture d’Orion.
Les yeux perdus
dans la voûte de béton,
elle se surprend
à y chercher les sept sœurs astrales.
Il reprend les cordes de l’histoire
revient à la démesure de l’arbre,
saute sur les premières branches
et tire sur la cime,
les sept sœurs à sa portée.
La U-Bahn arrive
à la lisière de ses mots.
Je prends place,
mais eux ne bougent pas.
La fin du conte des Pléiades
reste dans les murs de la station
et l’imaginaire de ses inconnus,
toujours assis sur le banc
à occuper un jour de pluie.
….S2 – Buch bei Berlin // Capitalisme déchu
Y’a 3 jeunes
au milieu d’la forêt
y’ont pas de sac
pas d’sacoche
mais y’avancent certains
y’avancent, une brindille ent’ les dents
y connaissent les lieux
s’y sont perdu des centaines de fois
connaissent le puit à gauche
pis les trois bouleaux d’la droite
y’ont incisé leur nom
dans le mélèze du cent’ d’la place
pis y’ont enterré l’chat mort
sous l’saule pleureur
y connaissent les sentiers à prendre
pour pas s’faire voir des caméras
pis l’heure de départ du gardien
fake y’arrivent à 3.47 pile
quand qu’y démarre son char
pis qu’y crisse son camp
les trois gars
y s’faufilent dans l’trou d’la clôture
-si y’é t’encore là, sinon y l’ercoupeç’pas la clôture, pas la menace d’la sécurité
qui les arrêtera jamais
y’ont apprivoisé depuis longtemps
les territoires de verres brisés
d’morceaux épars de porcelaines
de fils électriques qui tombent des plafonds
pis d’escaliers en lambeaux
y connaissaient chaque parcelle d’l’hôpital
chaque recoin d’chambre pis d’couloir
la piscine au rez-de-chaussée
pis la suite d’Honecker
y’ont foutu l’bordel
dans les dossiers des malades
y’ont cherché des noms qu’y connaissaient
pis y’ont fait un feu avec
en s’tirant une buche su’l’toit
y r’connaissent les odeurs,
celles qui appartiennent pas à l’hôpital
pis celles qui leur appartiennent pas
mais ça, c’pas ça qui va les arrêter
y connaissent les bunkers
pis les anciens laboratoires
y’ont exploré tous les toits
pis explosé des fenêtres avec des pierres
y’ont j’tés les lits
par les fenêtres
yinke pour le fun
y’ont fumé des bats
su’es toilettes du 12ème
avant d’démolir les bols
avec des battes de baseball
leur terrain d’jeu
c’est l’capitalisme déchu
c’est là-d’dans qu’y’ont grandi
pis c’est avec lui qu’y vont mourir
à soir,
y’ont pas d’alcool
pas d’tabac
mais y’ont besoin de s’sauver
d’être ensemble dans les décombres
pis d’danser sur les cendres
de notre système.
Extrait de Semaine française, été 2021
Ces textes ont été écrit à la suite d’un atelier d’écriture en France. C’est la tentative de caractérisation de chaque participante et participant au-travers de leur écriture.
*
Son rire décrit
les jardins anglais
les ports du Cambridge
l’éloquence de la vie étudiante.
Elle navigue solitaire suivant
la vague de ses touches
l’afflux de ses textes.
*
Il est né
d’un mal de vivre
et d’un corps trop grand.
Se bouscule entre
des alphabets nationaux
et se tente à trouver un équilibre
dans ses langues, phrases,
maux.
*
Cheveux de paille
……………yeux d’émeraude
elle nous fait rêver l’or des champs
……………………la perfection de la solitude.
Nous salue d’une jupe de crêpe fleurie
avant de traverser ses terres d’imaginaires
nous laisser sur le seuil
de sa création.
(Berlin, 2020-2021)
Toujours le même plaisir de te lire et de redécouvrir à chaque lecture des textes que je croyais connaître et d’autres que je n’avais encore jamais lus. J’adore S2 Buch bei Berlin.
Oui, relire, quand le texte est riche, permet de voir des choses qu’on n’avait pas vues à la première lecture. Et le S2 Buch bei Berlin présente, en effet, une langue intéressante.