LA FERME
j’écoute
le galimatias des gallinacées
je n’y entends rien
même le coq
dit
muchas gracias mais
je n’y comprends
rien
il grimace
il a l’air
agacé
il ne vole pas
dans leurs plumes —
sa crête est
dévissée
les limaces grises rampent
plus
lentement
encore
que
d’habitude
le ciel
est bas
se couvre
il se met à pleuvoir
des œufs
ils ne se cassent pas
en atteignant le
sol
il faut marcher
comme
dessus
on ne veut pas être
obligé de séparer
le jaune
du blanc
c’est chiant
ça va plus vite une
omelette
c’est vrai
mais ç’a aussi
plus de chance d’être
dégueulasse
quelque chose
cloche
mais ça ne sonne
pas encore
pas assez
comme d’habitude
il paraît
pas encore
pas assez fort
« LA FERME !
on se couche on se
rendort »
Béance tenante
il y a cette maille à
partir
qui fait des trous
dans
mon âme résille
des trous en forme de
losange
avant très vite
de n’être qu’en forme de
trous
il y a
les fermetures
éclair
de vos sacs-à-main qui
grésillent tout contre
s’y accrochent et accroissent
la béance
il y a
mon carré de
soi intangible
que les fines gr
illes ne protè
gent plus et les
bas fonds de mon
âme
s’accrochent à
leurs cicatrices comme
une espèce protégée
menacée
à ses barreaux
par ses barreaux
il y a
toujours dans mon étoile
cette fermeture
éclair du
moi social
— sitôt
que l’on essaie de me percer
à jour —
qui finit
par se fendiller
se rompre
et compte maintenant
de nombreux
trous
beaucoup d’aiguilles
et peu d’espace
tout repousse tout
Tout repousse
C’est le printemps
Surtout
les limites
mes limites
Le ciel
les abysses
Vous avez peu de chance
de les franchir
Pourtant beaucoup de chance
de m’imposer
vos
limitantes limites
Je décline
l’invitation
l’obligation
l’imitation
Repousse tout