Tao du vent
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Le vent s’en vient, le vent s’en va. On ne sait d’où, on ne sait vers où. Il est là, sans origine assignée, sans but affiché. Il circule, – en liberté. Il passe. Il traverse.
En tant que tel, le vent échappe à la vue. Il déjoue l’hégémonie du regard – ce sens hypertrophié qui délimite des formes sur un fond, identifie, différencie. Le vent est un fluide sans forme qui s’adresse au toucher, à l’odorat, à l’ouïe. Il caresse – ou bouscule – à fleur de peau, à fleur de nerfs. Je le sens mais ne peux ni le voir, ni le saisir.
C’est lui, plutôt, qui me saisit. Il m’enveloppe, il découpe ma silhouette. Le vent me sculpte, me donnant à sentir très exactement la frontière entre mon corps et son extérieur. Me prenant en son sein, il m’intègre à sa mouvance, m’immerge dans son courant sans rive qui relie toutes choses, crée entre elles du lien, abolit les distances.
Planent les oiseaux
S’envolent les feuilles mortes
Et le linge sur la corde.
Peaux et eaux frissonnent à l’unisson,
Herbes folles et cheveux
S’emmêlent à qui mieux mieux.
D’un horizon à l’autre, le vent n’est qu’une transition qui régule les équilibres atmosphériques. Un flux d’énergie qui s’apaise lorsque les nœuds sont dénoués.
« Serait poète celui qui pourrait enrôler vents et rivières à son service afin qu’ils parlent pour lui. » Henry David Thoreau