Un jeune enfant dans l’eau se laissa choir en badinant sur les bords de la Seine. Il se raccroche à un saule dont le branchage, après Dieu, le sauva.

Joli, non ? JLF manie l’implicite desprogien comme personne. Un vieux maître d’école passant par là, le gamin l’appelle à l’aide. Le prof se lance alors dans une diatribe à contre temps : ce gosse est trop con, je plains ses parents qui doivent non seulement le supporter mais tenter de l’éduquer. Et puis que fait Anne Hidalgo pour protéger les bords de Seine ? (À moins que ce ne soit ailleurs qu’à Paris dans l’île de France, auquel cas au temps pour moi c’est à Valérie Pécresse qu’on doit s’en prendre). Bref ce genre de choses.

Je vous rassure il finit par sortir l’enfant de ce mauvais pas. Ouf ! Imaginez : le gamin se noie, le mec est accusé de non-assistance à personne en danger, la famille réclame des dommages et intérêts pour la perte affective (OK il était con mais c’était leur môme quand même), l’avocat du prof contre attaque en se retournant contre la mairie de Paris (ou la Région Île de France) qui a négligé de mettre des garde-corps sur la promenade des bords de Seine. On n’était pas sorti de la guinguette. Et à tous les coups on dépassait le format fable.

La Fontaine se contente de ceci : Je blâme ici plus de gens qu’on ne pense. Tout babillard, tout censeur, tout pédant (on voit le genre qui parle pour ne rien dire en se grisant de mots, trouve que les autres ne font jamais comme il faut y a que Lui Soi-Même qui sache, et fait la leçon à tout propos) En toute affaire ils ne font que songer Aux moyens d’exercer leur langue (et de ramener leur fraise). Hé ! mon ami, tire-moi de danger Tu feras après ta harangue (moi une fois hors d’eau, aussi sec je me barre pour ne pas être submergé sous tes discours ineptes).

Sauf que le petit imprudent a eu de la chance dans sa malchance. Car la plupart de ces schnocks passifs-agressifs ne savent faire rien d’autre que ça : haranguer, censurer, pontifier. Sots aux remontrances vaines, ils mettent toute leur vanité à en remontrer aux autres. Mais pour ce qui est d’agir ? Aider ? Faire leur part du boulot ? Risquent pas.

Z’ont trop peur qu’on découvre qu’ils sont plus incompétents et stupides que ceux qu’ils critiquent. Ils préfèrent donc laisser le gamin se noyer. Bien fait pour ce p’tit con, qu’ils diront.

PS : la fable c’est L’enfant et le maître d’école. (livre I,19)

La fortune et le jeune enfant (livre V,11) présente un scénario étrangement raccord avec le précédent. Un gamin encore dans ses classes n’a rien trouvé de mieux que de s’allonger pour piquer un petit roupillon sur le bord d’un puits très profond.

Dans ses classes, il n’y est donc pas vraiment. À moins bien entendu que ses parents bobos l’aient inscrit dans un établissement à la pédagogie innovante proposant dans son cursus l’option école buissonnière. (Auquel cas il est au contraire en plein bachotage).

Cette répétition de scénario interroge néanmoins la lecteurice. À moins bien entendu qu’elle ait fait l’impasse sur l’option empreinte archaïque et création du cursus auteurs classiques et imprégnation freudienne. (Mais qui ferait une chose pareille ?) (Pas moi en tous cas).

Penchons-nous donc sur l’inconscient caché au fond du puits : et si la Fontaine était tombé dans une (ou mare ou ruisseau ou quoi que ce soit) un jour de sa prime enfance et en ait conçu un trauma indélébile ? Jusqu’au jour (ou était-ce une nuit ?) où l’indélébile à l’encre de son encrier se trouva dilué. Phénomène classique de sublimation par création artistique. Convaincant, non ?

Sauf que j’en vois venir qui ont pris l’option facultative arguties lacaniennes. Et là à tous les coups ils vont nous y diluer en plus leur grain de sel. Là quand ? Y où ? Ben dans l’encrier de La Fontaine : faut suivre, les enfants, sinon vous serez noyés vite fait !

« La fixation de l’Imaginaire sur la molécule H2O n’est pas à rapporter au Réel, quelle qu’en la soit la modalité puisarde ou fluviale, mais s’interprète au plan Symbolique comme la tentative de liquider l’oedipe par la submersion du Nom du Père. Limpide, non ? » (ouais M’sieur Lacan mais alors du coup on se demande pourquoi Montaigne s’est pas lancé dans le trek himalayen).

On s’égare pas un peu, là ? Et à part ça la fable elle raconte quoi ? Quelle fable ? Ah oui pardon.

Donc le gamin dort sur le rebord du puits. Tombera tombera pas ? La Fortune, qui elle tombe toujours à pic, passe par là et le réveille en douceur pour lui éviter la chute. Puis lui fait la leçon, mais dans un style nettement plus pédagogie innovante que le maître d’école de l’autre fable.

Soyez une autre fois plus sage, je vous prie.

Si vous fussiez tombé, l’on s’en fût pris à moi ;

Cependant c’était votre faute.

Pour moi, j’approuve son propos, dit JLF. /Est-on sot, étourdi (…) on pense en être quitte en accusant son sort. /Bref la Fortune a toujours tort.

Tout ça pour ça ? C’était bien la peine qu’on se décarcasse à descendre explorer les tréfonds de ce puits …

Hou hou, là-haut, y a quelqu’un ? Allô ? … Ah c’est bien ma veine …

Image par Peter H de Pixabay

Un Commentaire

  • Laure-Anne dit :

    Très drôle ! vieille étourdie moi-même il ne faudrait pas que je tente la fortune, et moins encore le diable qui se rapproche toujours un peu plus avec le temps!
    Dormir au bord d’un puits, marcher au bord d’un volcan, une image de la vie, si fragile, toujours…?

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