Rousseau distingue classiquement trois formes de gouvernement.

« Le Souverain peut commettre le dépôt du Gouvernement à tout le peuple ou la plus grande partie du peuple. On donne à cette forme de Gouvernement le nom de Démocratie.

Ou bien il peut resserrer le Gouvernement entre les mains d’un petit nombre, et cette forme porte le nom d’Aristocratie.

Enfin il peut concentrer tout le Gouvernement dans les mains d’un magistrat unique dont tous les autres tiennent leur pouvoir. Cette troisième forme s’appelle Monarchie. »

(DCS III,3 Division des Gouvernements)

« À prendre le terme dans la rigueur de l’acception, il n’a jamais existé de véritable Démocratie, et il n’en existera jamais. » (III,4 De la Démocratie)

Déjà pour une bonne raison : les citoyens ne peuvent pas rester tout le temps assemblés, car il faut bien travailler pour assurer sa subsistance. (Sans compter qu’ils peuvent de temps en temps avoir envie de faire autre chose que de la politique). Les assemblées plénières ne peuvent être que périodiques.

Entre deux assemblées, il faut donc déléguer d’une part l’administration des affaires courantes à des représentants chargés de l’exécutif. D’autre part déléguer certaines prises de décision à des représentants chargés du législatif. Conclusion sauf sur un tout petit territoire habité exclusivement de rentiers, la représentation et la délégation sont nécessairement corrélatives de la démocratie.

Reste à construire un système de représentation le plus juste possible. L’occasion de positiver un peu (c’est pas si souvent dans cette lecture). Depuis l’aube de la démocratie, on a fait quelques progrès. On a (lentement, imparfaitement, et pas partout, mais bon) renoncé aux discriminations de sexe ou de fortune. On a multiplié les instances de représentation, au plan territorial par exemple. On a affiné principes, mécanismes, périodicité de la désignation des représentants.

Mais alors pourquoi ça coince ? Pourquoi la crise de la démocratie représentative ? « Toutes ces conditions ne sauraient subsister sans la vertu » dit Rousseau. Celle de chacun des membres du corps social bien sûr, et en particulier de ceux qui ont le plus de pouvoir sur le bien public.

La démocratie est ainsi malade de l’incompétence et/ou malhonnêteté, du manque de sens du bien commun qui sont le fait d’un certain nombre des représentants, plus attachés à leur rente de situation (en termes matériels et surtout symboliques) qu’à travailler à la bonne marche du pays avec et pour leurs concitoyens. Ils ne sont probablement pas la majorité, mais ils sont suffisamment nombreux et visibles pour provoquer le rejet de l’ensemble du système. C’est la menace par défaut de la démocratie (son imperfection résultant des fautes et/ou insuffisances des politiciens).

Mais le rejet de la représentation provient tout autant d’une revendication démocratique que l’on peut qualifier de par excès. L’idée que toute médiation amène la déperdition d’une volonté populaire qui ne serait authentique qu’en étant immédiate.

Aujourd’hui cette immédiateté (entretenue par la gatfamisation de nos sociétés) est peut être le pire ennemi de la démocratie, par le rejet de la médiation temporelle, spatiale, structurelle.

« Il n’y a pas de Gouvernement si sujet aux guerres civiles et aux agitations intestines que le Démocratique ou populaire, parce qu’il n’y en a aucun qui tende si fortement et si continuellement à changer de forme, ni qui demande plus de courage et de vigilance pour être maintenu dans la sienne. »

Image par Gerd Altmann de Pixabay

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