Marasme 1538 grec marasmos.
1) Forme très grave de dénutrition, spécialement chez l’enfant, avec maigreur extrême, atrophie musculaire, apathie. Voir athrepsie, cachexie « Kwashiorkor avec marasme ».
Kwashiorkor, non mais franchement ! Robert est au courant que tous ses lecteurs n’ont pas fait médecine ? Ou alors faut voir ici le symptôme de son complexe du littéraire face au scientifique. Du coup il fait genre « tu dis qu’il a un Kwashiorkor, oh le pauvre vieux. Et en plus la forme avec marasme ! Je lisais pas plus tard qu’hier dans The lancet une étude hyper-alarmante sur le pronostic à six mois. »
Mais soit, c’est cohérent : pour faire entendre la barbarie de la chose, Robert nous bombarde de mots barbares. Quoique. La plupart des termes médicaux ne sauraient être barbares par définition, étant issus du grec. Pour les Grecs les Barbares c’étaient les non-grecs. Ils les voyaient tous comme des mal dégrossis malpolis, qui au lieu de parler homérique et platonicien comme les gens normaux, borborygmaient un idiome aussi malsonnant qu’incompréhensible (pour dire des choses désagréables en plus).
Nous parlons naturellement des Grecs anciens. Nos contemporains grecs ont su faire preuve d’une certaine ouverture à l’étranger. Et tout le monde peut pas en dire autant, en Europe ou ailleurs. Mais je dis ça je dis rien.
Début XIX° VIEILLI. Accablement, apathie profonde. « Granville tomba dans le plus affreux marasme. La vie lui fut odieuse. » (Balzac)
Ah voilà ! Là au moins Robert est en terrain de connaissance. Romantisme et bovarysme, crinolines et camélias, tout ça tout ça. Et côté termes médicaux y a pas échographie : spleen ou langueur ça vous a une gueule autrement fleur de rhétorique que kwashiorkor.
2) COUR. Situation stagnante et mauvaise. « Marasme politique » (Mirabeau) «Le marasme des affaires. Marasme économique » voir crise.
Robert est à son affaire avec le marasme version spleen et désespoir romantique, nous le sommes ô combien pour notre part avec cette définition, la COUR.
COUR signifie courant (n’y voir donc, malgré la référence à Mirabeau, nulle allusion à l’Ancien Régime et à l’entourage de Loulou 16). Définition courante sans conteste car sans me vanter je ne connaissais ni la précédente ni la suivante, qui pourtant est la meilleure. Une bonne raison de lire cet article … Et tous mes suivants.
Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a, Blanche ?
– Tu vas la laisser, la dernière phrase ?
– Pourquoi, elle te gêne ?
– C’est à dire l’autopromotion, j’ai toujours du mal …
– Faut ce qu’il faut, ma vieille Blanche. Vu l’exacerbation de la concurrence sur le marché du temps de cerveau disponible, et son incidence en termes de marasme dans le domaine des industries culturelles, il convient de booster notre communication et de doper notre plan marketing si on veut pas dévisser sur la courbe du lectorat …
– C’est bon si c’est pour entendre ça, moi je me barre.
-Vas-y barre-toi, de toutes façons t’es qu’une rature, euh une ratée …
Euh bref. Qu’est-ce qu’on disait ?
En fait courant ça marche avec Mirabeau style sous le pont Mirabeau coule la Seine. En revanche marasme au sens de situation stagnante s’oppose de toute évidence à courant (quoique ça dépend, dans un parti politique c’est pas forcément incompatible).
Finalement cette définition se révèle plus compliquée que prévu. Mais ne tombons pas pour autant dans le marasme et la désabusation …
(comment ? ah désabusement ? si vous voulez Robert c’est vous le dico) (qu’est-ce qu’ils ont tous aujourd’hui ?)
Il est vrai que jusqu’ici nous avons connu quelques perturbations avec cette définition, entre les affres de la maladie et celles de la crise économique (et encore on n’a pas parlé de l’état des centrales nucléaires). Mais je vous le promets, le n°3 va nous sortir de la crise.
Une bonne raison de continuer à lire cet article …
Marasme 3) (1923) Petit champignon à pied coriace (agaricacées) dont une variété, le mousseron d’automne, est comestible.
J’adore le mot coriace. Je ne sais pas pourquoi. Je nourris l’espoir (vainement jusqu’ici) qu’un jour enfin quelqu’un me complimentera d’un t’es une vraie coriace, toi. Coriace veut dire dur comme du cuir. C’est oublier qu’il y a des cuirs souples, mais bon qui suis-je pour contredire l’étymologie. Pour le champignon cependant si je peux me permettre, Robert, il eût mieux valu dire ligneux, non ? Ou fibreux ?
Mais cessons d’ergoter. Cette dernière définition est fort propre à nous requinquer.
Dans l’automne crépusculaire où tout se décompose, dans l’eau stagnante et glauque des marais du marasme, voici que pointe le pied coriace d’un petit mousseron. Petite moisissure certes, c’est ainsi, il y a quelque chose de pourri au royaume du champignon. Mais moisissure comestible. Cette fin de définition nous offre ainsi une belle métaphore de la résilience, à la hauteur de la sublimation baudelairienne des Fleurs du mal. Non ?
Et pour ceux qui se demandent : agaricacées = famille de champignons basidiomycètes à lamelles, dont la plupart sont comestibles.
Lamelleux aussi c’était pas mal à la place de coriace (ah si, ça existe, j’ai cherché). On me dirait t’es une belle lamelleuse, toi. Ou mieux quelle sacrée basidiomycète tu fais. J’adorerais.
Sur la date de 1923 je m’interroge. Ce champignon est-il né à ce moment-là ? Sans être grande mycologue (ni petite d’ailleurs) je suis prête à soutenir qu’il était déjà là du temps des dinosaures ou pas loin. Mais il n’avait pas encore de nom. On disait : j’ai fait une fricassée de petits machins à pied coriace.
Un jour de 1923 quelqu’un en a eu marre, et lui a trouvé ce nom, marasme. À six ans de la crise de 1929 franchement c’était pas si mal vu.
Comme quoi on peut allier un certain flair en économie avec le goût des champignons (sauf les nucléaires ça va de soi).
Image par PDPics de Pixabay
Ô rage ô désespoir, j’avais déposé ici-même un bon petit pinaillage des familles et voilà-t-y pas que le 1.0 ou 2.0 m’a encore fait le coup du ciseau d’Anastasie, paf, dégommé mon commentaire, tout ça parce que j’avais oublié de résoudre le capatoncha-cha-cha !
Je boude voilà, c’est le marasme ! Alors je me réserve pour pinailler plus tard en ayant repris un peu de poil de la grosse bébête virtuelle que je suis !
PS : que dit Robert de cet horrible captcha ? suis sûre qu’impossible de lui trouver des « vieilli », « cour. », « fam » ou « métaphore » ; sec comme un coup de trique de la STASI ce mot tout neuf, ce mal élevé qui vous la coupe !