il y a mes lunettes dont il manque la branche droite quelques lattes au sommier et cette lampe dont l’ampoule flanche. il y a moi en équilibre là-dedans précaire encore à peu près toutes mes pièces toutes mes dents moi qui me redresse yeux grand ouverts dans le noir allume la lampe bancale et pose la branche gauche sur une oreille gauche.

 

ça me berce. les cris des vivants, leur joie infatigable. Je dors pour eux, pour que la valse veille. me tais pour que les cris résonnent plus forts, m’étends pour que les pieds battent plus vite, frénétiques battent en chœur.

 

les yeux au plafond j’attends que les paupières tombent à terre couvrent les meubles le sol de leur voile de chair abat jour à la lampe qui veille comme moi qui veille attends que quelque chose cède il faudra bien que quelque chose cède la nuit ou moi la nuit ou moi la nuit ou moi

 

Naufragé dans mes draps bleu marine je, dans ma toile maritime mon sommier chasse-rivage, m’abandonne comme les autres et mes bouteilles à la mer

 

je bouge dans mon sommeil. parle. comme si je ne savais pas ne pas vivre. ne pas faire l’homme. je me réveille épuisé de tout ce que quelqu’un a et crains que le double somnambule ne me remplace un jour, joue à l’homme pour moi tandis que je dormirais ma vie. la sienne ? et ce serait le même corps, la même voix. mais rien à voir.

 

à cette heure un visage naît sur ton visage et que tu ne connais pas. il a les traits de l’homme qui pardonne. on dirait un chapitre retrouvé éclairant toute l’histoire enfin et il arrive alors que tel ou telle qui ne connaît que l’autre face découvre et lise et apprenne et aime plus fort.

 

5 Commentaires

  • Julie Decaux dit :

    J’aime beaucoup la poésie du désordre. Est ce qu’il y a une suite ? Un avant ?

    • Alban dit :

      Merci bien ! Disons qu’il y a un recueil en projet, dont cette publication ne présente qu’un extrait.

  • Laure-Anne Fillias-Bensussan dit :

    Bonne route donc pour le recueil en cours, ce beau poème qui joue de la simplicité pour tisser du point noué ; j’apprécie particulièrement la clausule qui évite l’enferrement et ouvre une claire fenêtre sans mièvrerie.

  • Michèle Monte dit :

    Une distance qui permet l’implication, c’est ce que je lis dans ce texte.

    • Alban dit :

      Oui, le sommeil est un thème commun, c’est-à-dire ordinaire mais aussi partagé par tous. C’est ce qui permet je crois cette implication dont vous parlez.

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