« Il vaut mieux transmettre les paroles et les gestes admirables des anciens que discourir sur les erreurs et les fautes des modernes. »
Hong Zicheng (Propos sur la racine des légumes I,157)
Il ne s’agit pas de prétendre que tous les anciens sont admirables, ni tous les modernes fautifs. Comme dit Brassens citant Molière le temps ne fait rien à l’affaire.
1)À l’échelle d’une vie individuelle, on peut être sage jeune et con vieux, et inversement. Ou sage jeune et vieux. Ou hélas con jeune et vieux (carton plein). Dans un panel donné de population on trouvera donc ainsi représentés vieux cons, jeunes cons, vieux sages, jeunes sages, dans des proportions que nous admettrons équivalentes. (On n’en sait rien d’accord mais on n’a pas de statistiques, alors autant simplifier).
2)À l’échelle historique pareil. Le fait qu’une époque soit éloignée dans le temps ne lui donne pas un brevet de sagesse ou d’admirabilitude. Quand on dit C’était mieux avant j’ai toujours envie de répondre : avant que tu ouvres la bouche ? (Mais comme je suis polie je ne le dis jamais).
(Non en fait ce n’est pas par politesse mais je ne pourrais le dire qu’aux gens capables de l’entendre. Donc des gens pas trop cons. Qui par conséquent ne l’auraient probablement pas dit. CQFD).
Mais le présent n’est pas pour autant nécessairement le must, ça va sans dire. En fait si on a l’impression qu’il y a plus d’anciens que de contemporains admirables, ou plus de contemporains que d’anciens négligeables, c’est que le temps fait son érosion, comme l’eau ou le vent dans un paysage. Ce qui subsiste est la roche la plus dure, la plus consistante.
Bref pour ma part je reformulerais simplement « Il vaut mieux transmettre les paroles et les gestes admirables que discourir sur les erreurs et les fautes. »
Se concentrer sur l’admirable, ce qu’on peut admirer parce que c’est beau, instructif, constructif, plutôt que perdre son temps et son énergie à s’agacer de l’erreur, de la faute. (Ne serait-ce que pour s’éviter un ulcère). (En revanche la dénoncer si elle est source de mal et d’injustice, certes).
Il y a en outre une subtilité dans la mise en regard de transmettre et discourir. On préfère souvent faire valoir son grain de sel parce que c’est le sien, plutôt que s’effacer pour seulement donner à goûter le sel des autres. C’est humain trop humain, donc le plus fréquent. Y en a aussi qui essaient de faire les deux à la fois. Transmettre, parce que c’est l’essentiel, mais sans se priver de discourir quand même un peu, tout superflu que ce soit.
Une faute sans doute, et pas spécialement moderne. Mais vénielle, non ? …
… Quoi, qu’est-ce que vous dites, Monsieur Hong ?
« Etudier sans en tirer une leçon de sagesse, c’est être comme le copiste qui grave les livres. Administrer sans veiller au bien du peuple, c’est être un bandit en tenue de mandarin. Enseigner sans surveiller son propre comportement, c’est invoquer le Bouddha sans croire en lui. Oeuvrer sans cultiver la vertu, c’est n’avoir sous les yeux qu’une fleur éphémère. » (I,56)
Éphémère, éphémère …
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Qu’ajouter, sinon,- pour le plaisir con de rajouter la sienne sans nécessité-, qu’en ces temps présents capables du pire et pas si rarement que ça du meilleur, la prime au nouveau sur l’ancien remplace l’analyse et vaut brevet de pertinence, de vie, de validité… Du coup, sur la balançoire, il me semble qu’ici et maintenant, les vieux cons sont bien bas et avec eux les vieux qui ne le sont pas, mais c’est une balançoire, alors rêvons de cet instant de suspension, d’équilibre aérien, de dialogue parfait qui rendrait le monde meilleur et les cons moins méchants.
Oui. Voilà. Rêvons. J’essaie de rêver. Et pour le peu que je peux agir sur ma propre connerie, j’essaie de faire qu’au moins elle ne soit pas méchante. « En un temps où le méchamment faire est si commun, de ne faire qu’inutilement il est comme louable. »