« Il faut être indulgent avec les bons, sévère avec les méchants, indulgent et sévère à la fois avec la foule des gens ordinaires. »

Hong Zicheng (Propos sur la racine des légumes I,50)

« La fiance de la bonté d’autrui est un non léger témoignage de la bonté propre. »

Montaigne Essais I,14 (La fiance de la bonté d’autrui = parier sur la bonté d’autrui)

Je verrais bien un sondage : à laquelle de ces phrases souscririez-vous ? Pour ma part je répondrais : ça dépend (une de mes phrases fétiches).

L’ennui c’est que la réponse ça dépend n’est jamais proposée dans aucun sondage. Tiens ça me rappelle Zézette remplissant sa feuille de sécu dans Le Père Noël est une ordure. Ça vous revient la réplique ça dépend ça dépasse ? C’est bête mais ça me fait toujours rire. (Donc ça me fait toujours rire).

Vous allez me dire dans ce cas-là tu peux toujours cocher la case ne se prononce pas. Eh ben non je peux pas justement.

Car dire ça dépend c’est bel et bien affirmer une opinion. Pas une opinion tranchée je vous l’accorde, mais une opinion précise. Donc une opinion précise. Et même la plus précise qu’on puisse formuler. Car épousant exactement la vérité à chaque instant.

Voilà c’est ça : la réponse ça dépend est clairement la signature d’un esprit scientifique CQFD.

On comprend pourquoi les sondages font l’impasse.

Donc à quelle phrase je souscris ça dépend, mais de quoi ?

La phrase d’Hong : que du bon sens, non ? Sauf qu’elle pose au moins deux problèmes :

1)en pratique être indulgent et sévère à la fois : comment ? Comment ne pas faire de cet à la fois un double bind limite manipulation perverse ?

2) y a des fois c’est pas évident de savoir qui est bon qui est méchant. Car l’habit ne fait pas le moine, comme on dit du côté du bon sens.

Bref pas facile à appliquer à moins d’une intuition psychologique sûre (pour 2) et d’une assimilation suffisante de Machiavel (pour 1).

Cependant l’essentiel est qu’Hong nous incite à l’analyse, à garder la tête froide. Ce qui évitera les plus grosses patates et c’est déjà pas mal.

Mais avec la phrase de Montaigne on prend de la hauteur.

Parier sur la bonté d’autrui : le top de l’éthique. C’est aussi plus agréable, plus simple, que la méfiance et son cortège de prises de tête.

On prend de la hauteur ou plutôt de l’élan. Pour sauter un pas, s’engager, parier. Dans un mouvement généreux vers l’autre.

La phrase d’Hong est pour les têtes froides. La phrase de Montaigne, elle, est pour les cœurs chauds.

Image congerdesign (pixabay)

3 Commentaires

  • Laure-Anne Fillias-Bensussan dit :

    Votez Montaigne, citoyens !

  • Jacqueline L'heveder dit :

    Hong donne une recette de survie, Montaigne reprend l’équivalence s’aimer soi/ aimer les autres.
    Je penche pour la notion plus que pour la leçon…

    • Ariane dit :

      Bien vu : Hong en donneur de leçons, Montaigne parlant juste à partir de son « acquiescentia in se » (dirait Spinoza).

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