« Je considérerai d’abord dans l’amitié non ces liaisons fondées sur divers genres de convenances qu’il faut attribuer à l’ambition et à la vanité, mais ces attachements purs et vrais, nés du simple choix du cœur dont l’unique cause est de communiquer ses sentiments et ses pensées, l’espoir d’intéresser : la douce assurance que ses plaisirs et ses peines répondent à un autre cœur. »

(G de Staël. De l’amitié)

Voilà, ça c’est l’idéal. Le problème, c’est que la vanité peut n’être jamais très loin, provoquant une rivalité plus ou moins avouée.

« Quel abandon d’amour-propre il faut supposer pour croire qu’en se confiant on ne se mesure jamais, qu’on exclut du tête-à-tête tout jugement comparatif sur le mérite de son ami et sur le sien, et qu’on s’est connus sans se classer ! »

Germaine donne ici le remède en même temps que le mal : tenir à distance l’amour-propre comparatif au profit de ce que Spinoza nomme l’aquiescentia in se ipso, le tranquille consentement à soi.* Ainsi devient possible la rencontre de l’autre, dans une simplicité joyeuse, juste parce que c’est lui/elle, parce que c’est moi.

Non-comparaison implique symétrie dans la considération. Et symétrie implique un caractère essentiel de l’amitié véritable aux yeux de Germaine, la réciprocité.

« L’amour se passerait bien plutôt de réciprocité que l’amitié ».

« Comme il est impossible de séparer l’amitié des actions qu’elle inspire, les services réciproques sont un des liens qui doivent nécessairement en résulter. »

Réciprocité de services qui lui a manqué de la part de quelques amis ingrats, note-t-elle au passage (sans les nommer), pour lesquels pourtant elle n’avait pas ménagé sa peine lorsqu’ils avaient eu besoin d’elle.

Néanmoins, en femme profondément libre, c’est sans amertume qu’elle conclut :

« C’est parce que le cœur est fait ainsi, que je me suis réservé de peindre la bonté comme une ressource plus assurée que l’amitié, et meilleure pour le repos des âmes passionnément sensibles. »

*Germaine ne cite jamais Spinoza, malgré leur proximité de pensée sur le rapport entre raison et passion. Le plus probable est qu’elle ne l’avait pas lu, de même que Spinoza n’avait pas lu Montaigne. En fait entre ces trois-là se vérifie pleinement la formule les grands esprits se rencontrent.

Crédit image : wikipedia. Germaine et sa fille Albertine par Marguerite Gérard

Un Commentaire

  • Laure-Anne dit :

    Quelle limpidité, et quel beau programme dans la dernière citation de Mme de S ! Mes Ulysse et Euryloque n’avaient lu ni Montaigne, ni Spinoza, ni Mme de S, ni Ariane B…! z’auraient dû prendre de la graine…

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