Les vautours et les pigeons (livre VII,8) présente une situation qui ne nous est pas tout à fait étrangère.

Le peuple vautour,/Au bec retors, à la tranchante serre,/Pour un chien mort se fit, dit-on, la guerre.

Il plut du sang ; je n’exagère point.

T’inquiète, on te croit sur parole : les guerres entre vautours retors, entre faucons qui le sont pour de vrai, on sait ce que ça donne. Ce que ça prend, surtout, car le moins qu’on puisse dire c’est que dans ces cas-là le chien mort fait des petits.

Maint chef périt, maint héros expira.

Oui mais non je ne voulais pas parler des états-majors, où globalement la guerre reste vivable, mais bien des troufions de base, et plus encore des civils innocents comme on dit.

Tout élément remplit de citoyens/Le vaste enclos qu’ont les royaumes sombres. Oui voilà.

Après on fait quoi ? On peut jouer les autruches, poser en colombe sur le drapeau de l’ONU juste pour le selfie. Après nous le Déluge. Ou bien on peut se conscientiser, se dire on est tous concernés, homo sum nil humanum mihi alienum ce genre de choses.

Cette fureur mit la compassion/Dans les esprits d’une autre nation /Au col changeant, au cœur tendre et fidèle.

Il s’agit des pigeons, que La Fontaine semble apprécier particulièrement. (Il ne visitait pas Venise apparemment, quant au nettoyage de son rebord de fenêtre sans doute qu’il le sous-traitait à quelque accorte servante).

Ambassadeurs par le peuple pigeon/Furent choisis, et si bien travaillèrent,

Que les vautours alors plus ne se chamaillèrent.

Tout est donc pour le mieux dans le meilleur des mondes. On va pouvoir se lancer dans la reconstruction, buseness as usual (diront les buses), show must go on (diront les paons).

Sauf que le peuple vautour lance vite fait un plan de nettoyage ethnique sur ces saletés de pigeons, en fit un ample carnage,/En dépeupla les bourgades, les champs.

Après quoi en guise de morale à la fable on a droit à du Machiavel pour les nuls.

Tenez toujours divisés les méchants :/La sûreté du reste de la terre/Dépend de là./Semez entre eux la guerre,/Ou vous n’aurez avec eux nulle paix.

Ouais … Ça a pu marcher, je veux bien (et encore faut le dire vite). Mais pas besoin d’être un aigle pour comprendre que cette stratégie a depuis longtemps du plomb dans l’aile. D’ailleurs JLF conclut en ce sens moi vous savez je dis ça je dis rien : Ceci soit dit en passant. Je me tais.

Et comme je n’ai hélas pas de solution anti-vautours, ben j’ai plus qu’à me taire pareil.

Photo de  Silke (Pixabay)

2 Commentaires

  • Laure-Anne dit :

    Ouais…les vautours amis entre eux c’est qd même pire, on dirait, n’ont plus que ça à faire, qui bouffe du pigeon, et qui leur donne leur donne du goupillon, et autres livraisons de sabres…
    Et ennemis, ça fait de la peine pour les bébés vautours, mais ça les tient loin des bébés de ceux qui n’ont pas le gène prédateur.
    Cynique, décidément…

    • Ariane Beth dit :

      Merci, chère lectrice, pour ces échos qui élargissent avec autant de sensibilité que de pertinence notre abord de ces fables. Comme toi, j’ai été frappée en y revenant par leur pessimisme. Et, hélas, l’actualité de ce pessimisme …

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