« Lorsque l’espoir de faire une découverte qui peut illustrer, ou de publier un ouvrage qui doit mériter l’approbation générale, est l’objet de nos efforts, c’est dans le traité des passions qu’il faut placer l’histoire de l’influence d’un tel penchant (à l’étude) sur le bonheur ; mais il y a dans le simple plaisir de penser, d’enrichir ses méditations par la connaissance des idées des autres, une sorte de satisfaction intime qui tient à la fois au besoin d’agir et de se perfectionner ; sentiments naturels à l’homme qui ne l’astreignent à aucune dépendance. »
(G de Staël. De l’étude)
Agir, se perfectionner, s’ouvrir aux autres : tout est dit de la joie de l’étude, surtout vécue sur le mode de la gratuité, pour le simple plaisir de penser.
C’est aussi un bon moyen d’éviter de ressasser son malheur (réel ou supposé mais provoquant le même effet de souffrance).
« L’homme, dont il faut occuper les facultés de l’esprit, obtient (ainsi) le moyen d’échapper aux tourments du cœur. Les occupations mécaniques calment la pensée en l’étouffant. L’étude, en dirigeant l’esprit vers des objets intellectuels, distrait de même des idées qui dévorent. »
Mais penser n’est pas seulement un apaisement, c’est surtout l’incitation à une dynamique.
« L’amour de l’étude, loin de priver la vie de l’intérêt dont elle a besoin, a tous les caractères de la passion, excepté celui qui cause tous ses malheurs, la dépendance du sort et des hommes. L’étude offre un but (…) dont la route présente de la variété sans crainte de vicissitudes (…) Elle vous fait parcourir une suite d’objets nouveaux. »
Le chapitre se termine par la touche plus intime d’un « autoportrait en paria ».
« Je ne sais rien de plus profond en moralité sensible que le tableau de la situation du Paria* (…) Nul être vivant ne le secourt, nul ne s’intéresse à son existence (…) C’est ainsi qu’existe l’homme sensible sur cette terre ; il est aussi d’une caste proscrite ; sa langue n’est point entendue, ses sentiments l’isolent, ses désirs ne sont jamais accomplis, et ce qui l’environne, ou s’éloigne de lui, ou ne s’en rapproche que pour le blesser. »
Le paria cherche consolation dans la nature, dit-elle, moi c’est dans l’étude.
Et en point d’orgue du chapitre, cette prière romantique en diable :
« Oh Dieu ! (…) Lorsque le hasard a pu combiner ensemble la réunion la plus fatale au bonheur, l’esprit et la sensibilité, n’abandonnez pas ces malheureux êtres destinés à tout apercevoir pour souffrir de tout ; soutenez leur raison à hauteur de leurs affections et de leurs idées, éclairez-les du même feu qui servait à les consumer ! »
Allez, Germaine ! Dieu j’en sais rien, mais nous on est avec toi. Et c’est toi qui nous éclaires de ton feu.
*Allusion à un livre de son ami Bernardin de Saint-Pierre « La Chaumière indienne » (un sacré nanar ce truc j’imagine)
Crédit image : wikipedia. Germaine de Staël en Corinne par Firmin Massot.
Une prière qui nous ferait croire en Dieu, un dieu validé par Germaine et loin des bigots…