Aveux et anathèmes est le titre de l’ultime opus de Cioran (1987).
Anathèmes c’est juste : dans ce bouquin ils ne manquent pas, bien pesés, méchamment balancés.
Aveux, ça se discute un peu plus. Ceux qu’on y lit ne procèdent pas d’une sincérité disons naïve. Ils disent parfois autre chose que ce qu’ils croient dire. Mais c’est le lot commun des êtres parlants que nous sommes, surtout quand ils sont clairement névrosés (je pense qu’ici l’oxymore s’impose) (lucidement ou brillamment névrosé serait pas mal non plus).
J’ai trouvé en ce livre une occasion de m’essayer au choix audacieux de la facilité (il n’est jamais trop tard pour bien faire). Dans Aveux et anathèmes « le Fragment est roi » dit son auteur. Le fragment : quoi de mieux pour écrire sans trop se casser un petit article ?
De plus n’ayant jamais lu Cioran encore, je l’ai découvert avec ce livre. Qui dit découverte dit divertissement.
On me dira oui mais quand même Cioran ce n’est pas la folle gaieté, ne nuit-ce pas à récréation & divertissement ?
Détrompez-vous, voilà un homme qui sait s’amuser d’un rien.
« Paléontologue d’occasion, j’ai passé plusieurs mois à ruminer sur le squelette. Résultat : quelques pages à peine … Le sujet, il est vrai, n’invitait pas à la prolixité. »
Bienvenue chez Cioran.
Photo par Marion (Pixabay)
Réjouissant !
N’est-ce pas ? Et ce n’est qu’un début, avec un tel joyeux drille, on n’a fini de s’amuser, je ne te dis que ça …
Rien de tel que l’étude d’une « anatomie sèche » pour rendre son style lapidaire…
« Paléontologue d’occasion » ressemble à une insulte du Capitaine Haddock – autre grand misanthrope – mais cette remarque est hors de propos…
Hors de propos ? Ah ben non, au contraire je trouve le rapprochement bien trouvé. Et je gage que dans les extraits suivants tu pourras débusquer d’autres expressions potentiellement haddockiennes …
Je reste donc aux aguets . Je dirais même plus : je reste aux aguets.
Par ailleurs, à propos de rapprochements plus ou moins saugrenus, si j’ose ce grossier résumé : »Le fragment est roi avec divertissement », me revoilà plongé dans un gouffre de réminiscences qui m’éloignent infiniment du capitaine (pour mieux m’y ramener, peut-être?)…
Voilà en effet un bel équilibrisme pour en finir avec 2021 : passer des constructions parfois acrobatiquement nébuleuses de Jean-Jacques R ) à l’atrabile souterraine de Cioran!
On va bien s’amuser je sens! Mais faudra se serrer les coudes pour se tenir chaud, car les froides ténèbres des fins d’années et des névroses d’autrui, fussent-elles brillantes, appellent la pelle, si j’ose dire, qui déterra le pauvre Yorik et porta certain prince à de cioranesques donc ironiques extrémités…