Qu’y a-t-il à l’origine d’une œuvre, Núria Giménez-Comas ?

A l’origine d’une œuvre, Pierre, il y a toujours des préoccupations relatives aux sons.

Avant que je ne compose ma pièce intitulée Pour apaiser le vent et les vagues (2015), j’avais envie de parler des forces physiques, celles qui agissent dans la nature, et en particulier du vent. A l’époque j’avais travaillé en électronique dans une équipe à l’IRCAM* et nous avions créé une corde virtuelle qui présentait les caractéristiques d’une corde comme on en trouve dans les instruments à cordes sauf qu’elle était d’une longueur et d’une épaisseur impossibles à rencontrer dans le réel. Et nous appliquions de manière électronique des actions sur cette corde virtuelle. Nous la pincions, frottions, frappions et nous observions les sons qui résultaient de ces actions. Ces recherches m’ont conduite à me demander quelles forces dans la nature pourraient reproduire les sons que nous avions obtenus électroniquement.

A la suite de ce travail, en entendant le vent souffler dans le ciel ou dans les arbres, j’ai été frappée par cette énergie qui traversait l’espace, et elle m’a inspiré des gestes et des phrases musicales pour des instruments. Avant de les écrire, j’ai enregistré le bruit du vent dans l’espace ou j’ai fait des emprunts à des banques de données, et j’ai analysé ce bruit à l’aide d’un logiciel pour savoir de quels sons et de quelles superpositions de sons il était formé. Ensuite, j’ai composé ma musique.

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L’électronique ne me sert donc pas à oublier la nature mais me permet de m’y intéresser de manière expérimentale et concrète. Elle ne me sert pas non plus à remplacer les instruments traditionnels, mais elle me permet d’écrire en recourant parfois à des associations inhabituelles comme ici où j’associe piano, saxophone et accordéon.

Dans Back into nothingness (2018), j’ai composée la musique en rapport avec un texte de la poétesse Laure Gauthier à un moment où je m’intéressais à la naissance du langage, au passage du bruit au son articulé et signifiant. Je m’intéressais alors aux consonnes et à l’activité de la glotte que leur articulation exige. J’avais aussi envie de travailler sur le chœur, c’est-à-dire sur une situation dans laquelle les sons sont à la fois musique et mots, musique et signification. Or le texte de Laure Gauthier met en scène Kaspar Hauser, un jeune homme apparu soudain dans une rue de Nuremberg en 1828 , qui ne savait que répéter une phrase incorrecte et à qui on a appris à parler. Cette histoire avait donc trait à la naissance du langage chez un être presque adulte. De plus, l’histoire de Kaspar Hauser a eu à l’époque un retentissement dans toute la presse européenne, d’où l’emploi du chœur dans cette œuvre.

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*L’Institut de Recherche et Coordination Acoustique/Musique est un lieu de recherche, d’innovation technologique et de création musicale. Il a été fondé par Pierre Boulez et Michel Decoust.

Nuria Giménez-Comas

Nuria Giménez-Comas

Née en 1980 à Barcelone, Núria Giménez Comas étudie le piano et les mathématiques avant de se diriger vers la composition en 2006. Ce choix la conduit à se former auprès de créateurs tels que Helmut Lachenmann, Michaël Lévinas ou Kaija Saariaho, et à intégrer un programme de recherche artistique à l'IRCAM à Paris en 2010. Elle compose de la musique instrumentale et électroacoustique et travaille volontiers avec des écrivains et des vidéastes.

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    Un Commentaire

    • M. Àngels dit :

      M’interessa la música de la Núria. M’ajuda a entendre la música contemporània en general. Continua Núria 🌿

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